Crédit:

Quand le matriarcat offre une alternative au régime présidentiel en Afrique

Le régime présidentiel en Afrique, marqué par l’accaparement du pouvoir, l’autoritarisme, l’autocratie, la dictature et quelques fois même par des actes de banditisme et à la tête des États, prend plus l’aspect d’un régime présidentialiste – un président tout-puissant. Il va sans dire qu’avec avec ses caractères dévalorisants, il ne profite à aucune population sur le continent noir. Le matriarcat offre pourtant à l’Afrique une alternative politique à ce régime qui lui est étranger sur tous les plans.

Groupe d’enfants africains. CC Pixabay.com

Ce que le matriarcat est

Le matriarcat, dont les traces demeurent dans certaines sociétés originelles africaines, notamment chez les groupes Akan et Sénoufo, en Côte d’Ivoire, est le « droit maternel » ou l’ordre « social maternel » et non pas le « pouvoir aux femmes ». Il est l’essence des sociétés africaines avant les influences occidentales et orientales. Le Nord et le monde arabe ont été des obstacles à la continuité du matriarcat et son adaptation à la modernité à travers les phénomènes patriarcaux que sont le christianisme, l’islam et la colonisation. Les États africains qui ont de plus répliqué les institutions des anciennes puissances coloniales, elles-mêmes patriarcales, ont donc logiquement adopté leurs motifs au détriment des caractères du matriarcat. Ces derniers recèlent pourtant d’atouts exploitables sur le plans politique en Afrique.

Le matriarcat, un système social riche et inclusif

Le matriarcat, selon sa définition, n’est pas fondé sur l’autorité d’un individu, à plus forte raison sur celle d’un être tout-puissant. C’est le contraire du patriarcat qui est un système social fondé sur le père de famille, sur l’homme. Il repose plus clairement sur un individu supposément infaillible. Quand l’on imagine les limites de l’individu dans le temps, comme dans ses rendements à tous les niveaux, l’on se rend bien compte de la faiblesse et de la pauvreté de ce système social vis-à-vis du matriarcat.

Le système matrilinéaire ne fait pas en effet de la femme et l’enfant des biens du père de famille, ils n’y sont pas une propriété de l’homme : le père y est le protecteur, le défenseur, le pourvoyeur aux besoins de sa famille, rien de plus ; l’enfant bénéficie d’une plus grande protection du clan maternel, c’est-à-dire ses oncles et tantes maternels. Seuls ces derniers ont autorité sur lui, puisque selon le système matrilinéaire il en est l’héritier et c’est par eux également qu’il peut accéder au pouvoir.

Il faut surtout retenir que dans le matriarcat, autour de la femme (symbole de la nation) et de l’enfant (représentation de la pérennité de la nation) gravite donc l’ensemble des acteurs de la famille africaine, qui elle-même y est la première cellule sociale. Père ou époux, oncle ou frère, et tante ou sœur ont tous des fonctions bien définies dans l’ordre social maternel.

Ce n’est pas le cas dans le système patriarcal qui érige le père de famille comme la seule autorité. La femme (symbole de la nation) et l’enfant (représentation de la pérennité de la nation) semblent ses propriétés. Quelle aberrance !

En somme le matriarcat est très différent du patriarcat par sa richesse et son caractère inclusif. Ces particularités font de lui un atout pour la rénovation des systèmes politiques justement inspirés du patriarcat et qui sont de plus étrangers et inadaptés au continent noir. Il s’agit notamment du régime présidentiel.

Le matriarcat, un avantage sur le plan politique

L’ordre « social maternel » ne transforme pas le père de famille, et l’homme en général, en oppresseur ou en chef illusoire d’un certain ordre social.  Très inclusif, il ne fait encore moins d’un individu le socle d’une société, comme cela est visible dans les régimes présidentiels en Afrique où tout un État repose sur la seule volonté d’un individu.

L’exemple de la côte d’Ivoire le confirme bien, aucun contre-pouvoir n’existe contre les déviations du chef de l’État actuelle. Tellement de dérives l’illustrent : le fameux 3ème mandat illégal ; l’emprisonnement d’opposants sans jugement ; les procès sur mesure et l’indifférence de la justice vis-à-vis de crimes subies par les opposants au régime ; les chantages politiques ; la nomination de Ministre-gouverneurs, qui n’est prévu dans aucun texte de loi et qui sème un désordre administratif pendant qu’il garantit des amitiés et un certain électorat au chef de l’État.

La dépendance de la destinée de toute une nation aux instructions ou au bon vouloir d’un individu, avec tout ce que cela implique comme incompétence, injustice, illégalité, imposture et sous-développement, telle est pour résumer le spectacle irréel qu’offre pourtant le régime présidentiel dans cet État, et en Afrique en général.

Le système matrilinéaire inspire au contraire un régime politique inclusif, à l’image des rôles singuliers que jouent les principaux acteurs de la grande famille africaine autour de la femme (symbole de la nation) et de l’enfant (représentation de la pérennité de la nation).

Le régime présidentiel, inspiré du patriarcat, voire de l’autoritarisme et de la convoitise, et de plus étranger à l’Afrique, se révèle en revanche dans son essence contraire à la vision de concorde sociale qu’avait déjà la société originelle africaine pour elle-même. D’où l’immobilisme, voire la rétrogradation de la vie politique. Mais l’espoir n’est pas perdu le matriarcat inspire un régime politique légitime, juste et porteur.

Le matriarcat, socle d’un système politique légitime, juste et porteur

  1. Un collège à la place de la fonction de président de la République

Le matriarcat est toute une organisation sociale autour de la femme et de l’enfant. En considérant la femme comme le symbole de la nation et l’enfant comme la représentation de la pérennité de cette nation, le système matrilinéaire inspire donc un régime politique qui fait de l’État l’affaire de tous. Par conséquent, Il ne  transforme pas celui-ci en une propriété de son supposé chef, comme lors de la colonisation où le territoire colonisé appartenait au colon au détriment des populations autochtones.

En se référant au matriarcat la fonction de président de la République est simplement appelée à disparaitre pour laisser la place à un collège à la tête du pays.

Cette révolution, qui n’en est au fond pas une pour des Africains, l’organisation politique de l’ancienne puissante confédération Ashanti en est le témoignage, est faite en référence à l’ordre social maternel,  selon lequel encore une fois la femme et l’enfant sont entourés.

Ce système politique qui met la nation au centre de ses préoccupations préserve même de facto des conflits liés à la gestion partiale du pouvoir les pays composés de plusieurs peuples, de diverses ethnies, de différentes régions ainsi que d’une pluralité culturelle.

Ce qui n’est pas le cas du régime présidentiel, et même du régime parlementaire, que l’on s’entête à appliquer en Afrique. Ces systèmes politiques n’y sont pas une garantie d’équité, il ne peuvent prendre en compte plusieurs peuples regroupés sur un même territoire. Ils sont en effet la perpétuation voilée des anciens blocs monarchiques occidentaux, qui ont de plus une longue histoire.

La réalité socio-politique de la Côte d’Ivoire, pays composée de plusieurs peuples, milite en faveur du collège  à la tête du pays. Les diversités culturelles et des populations ainsi que les disparités régionales appellent simplement à une autonomie ou à une responsabilisation des peuples.   

  • 2- Une réelle décentralisation, une vraie autonomie et un bien-être assuré

Le système matrilinéaire,  d’abord dévoile un père de famille qui honore ses engagements vis-à-vis de sa famille, sans aller au delà de ses obligations ;  la famille y est ensuite autonome tout en ne vivant pas en marge de la communauté et des règles de celle-ci. De même le système politique qu’inspire le droit maternel garantit une liberté d’administration.

En clair, le matriarcat, par sa capacité de responsabilisation, valorise la décentralisation et l’autonomie. Il engendre donc un système politique dans lequel les districts, les régions, les communes et autres collectivités territoriales sont autonomes, tout en bénéficiant, il va de soi, des biens de l’État, la richesse commune.

  • 3- Un système démocratique de désignation des membres du collège

Le regroupement des anciens élus des collectivités forme le collège évoqué plus haut et qui remplace un chef de l’État à la tête du pays. Il est tout simplement une réplique du groupe de sages des sept clans qui selon le système de désignation du roi dans la confédération ashanti, choisissent la reine-mère qui, à son tour, désigne le roi parmi ses descendants[1].  

Cependant, la royauté n’est pas seulement l’apanage de l’homme. La femme peut aussi y accéder  chez les Baoulés. Ce peuple de Côte d’Ivoire a une vision beaucoup plus inclusive du matriarcat. Celui-ci garantit à la femme des fonctions de dirigeant au même titre que l’homme. Les souverain du peuple baoulé peut donc être des deux sexes, neveu ou nièce, pourvu qu’il soit sur la lignée matrilinéaire.

Dans le système démocratique, qu’inspire le matriarcat, d’abord le roi est simplement représenté par un coordinateur du collège. Il peut être un homme ou une femme pourvu qu’il respecte les conditions d’éligibilité. Comme sa fonction l’indique le coordinateur, élu par ses pairs n’a aucun pouvoir exécutif, celui-ci est détenu par l’ensemble du collège (qui lui-même remplace le parlement classique). Le coordinateur a juste un rôle de synchronisation du travail de l’ensemble des ministres et des moyens mis en œuvre.

Les ministres même, vu que n’importe qui ne peut se prévaloir du titre de notable ou de sage selon les cultures africaines, sont recrutés par le collège après dépôts de dossiers de candidature et exposé sur le ou les projets qu’ils préconisent pour les départements qui suscitent leur intérêt. Les ministères même sont clairement prédéfinis pour éviter de verser dans la prédation, le népotisme, la démagogie et les gaspillages.

La reine-mère est ensuite symbolisée par l’ensemble des populations. Ce sont elles qui en amont désignent démocratiquement les élus de leurs régions et autres collectivités territoriales. Ces derniers par la suite les représenteront au collège après avoir fait leur preuve dans les fonctions qu’ils occupaient dans leurs régions respectives.

L’accès au collège est par voie de scrutin dans les collectivités territoriales et réservé aux anciens élus des collectivités ou des membres démissionnaires. Les bilans de ces derniers militeront ou non en leur faveur pour leur élection au collège. S’il leur tient à cœur de faire valoir leur compétence, ils pourront aussi éventuellement postuler au poste de ministre avec les personnes qui n’ont pas exercer de mandat, s’ils échouent à se faire élire au collège.

Le collège et le mode de sa constitution sont décentralisés. Ils épargnent par conséquent l’accaparement de la chose publique par un individu, un peuple, une ethnie, une région, un clan ou encore par une classe sociale, comme il se passe sous les régimes présidentiels dans des supposées Républiques en Afrique. À l’image des colonies, celles-ci sont en réalité les biens de leurs chefs.

Le collège et son mode de constitution préservent également encore une fois le pays des impostures, de l’incompétence, de la gabegie, des machinations et de la corruption. Ils garantissent par dessus tout de l’intérêt pour les collectivités territoriales. Les capitales ne sont plus ainsi les principaux objectifs des individus qui désirent s’engager en politique.

À retenir

Le système politique qu’inspire le matriarcat est clairement inclusif par le bas ou depuis les populations, il est juste dans sa mise en œuvre, il n’oublie aucune région, aucun peuple, aucune ethnie et aucun individu. Il prends donc en compte toute la nation, autant que le matriarcat met la femme (symbole de la nation) et l’enfant (représentation de la pérennité de la nation) au centre de ses préoccupations.

Les pays africains, qui sont des regroupements de plusieurs ethnies et de différents peuples, sont très composites. Il n’y a donc que par le système politique inspiré du droit maternel que l’ensemble des populations d’un État africain accédera au bien-être et au bonheur auxquels il aspire et auxquels il a naturellement droit. N’est-ce pas d’ailleurs à cette fin que la déclaration universelle des droits de l’homme et des peuples proclame le droit de tout peuple de disposer de lui-même ?

Le système politique inspirée du matriarcat fait de cette idée une réalité. Il ne manque plus qu’aux premiers concernés en amont comme en aval, c’est à dire les populations africaines, de faire preuve de bon sens et de courage pour mettre en œuvre ces réformes qui sont une garantie de justice, de paix et de développement général.


[1][1] Jean-Noël Loucou, Françoise Ligier, La Reine Pokou, fondatrice du royaume baoulé, ABC, Paris ; NEA, Dakar, Abidjan, 1977, p. 21.

Partagez

Auteur·e

revedehaut

Commentaires