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Il est temps que la Côte d’Ivoire change de nom

La Côte d’Ivoire, à l’origine regroupement d’anciens comptoirs français, ancienne colonie française, contrairement à certains territoires voisins, n’a pas changé de nom à l’indépendance. Soixante ans après et dans un contexte mondial de revendication de la considération pour les peuples Noirs (Black Lives Matter), lui-même précédé par le projet de restitution des œuvres d’art africaines par les anciennes puissances coloniales, mais surtout au terme d’un long cycle politique de six décennies, il est temps que la Côte d’Ivoire change de nom et se donne une nouvelle naissance.

Carte de la Côte d’Ivoire, CC Wikipedia

L’exemple instructif des territoires voisins à la Côte d’Ivoire

Les pays voisins à la Côte d’Ivoire, trois en tout cas, ont changé de nom à leur indépendance, rompant ainsi avec des noms tout en anglais ou en français qui entretiennent le flou en donnant l’impression qu’il s’agit de territoires ou de départements des anciennes puissances coloniales. Mais les choix des nouveaux noms de ses pays répondent surtout à la nécessité de faire un avec leur histoire, de se la réapproprier. Ils viennent surtout de la volonté de ces néo-États de s’ouvrir aussi de nouvelles perspectives conformément au passé prestigieux des territoires qui portaient les noms dont ils se baptisés ou qu’ils ont forgé.

Il s’agit d’abord du Ghana, ancien puissant et très structuré empire africain, appelé Gold Coast (Côte d’or) pendant la période coloniale, ensuite le Mali ancien empire également, dénommé Soudan français lors de la domination hexagonale. Le 3ème est le Burkina Faso qui signifie « le pays des hommes intègres » en langues locales, mais auparavant appelé Haute volta avant l’indépendance et même 24 ans  après son acquisition, jusqu’à ce qu’en 1984 Thomas Sankara le change pour un nom authentique. 

Les fortunes diverses aux plans social et politique de ces différents voisins de la Côte d’Ivoire traduisent le fait qu’il ne s’agit pas seulement de changer de nom, mais il faut aussi y mettre une réelle volonté de progrès, comme au Ghana qui semble plus stable politiquement, socialement et économiquement que les autres et de toutes la sous-régions ouest-africaine. Son exemple doit motiver les peuples vivants sur le territoire actuel de la Côte d’Ivoire à changer le nom de leur pays.  

Il faut un nouveau nom qui permette de rompre avec l’esprit de l’ancien comptoir  

L’ancien comptoir est ce lieu où l’on fait encore  uniquement du profit qui est ensuite exporté à l’étranger au lieu d’être investi sur place pour produire plus de richesses au bénéfice du bien-être social.  Depuis la période coloniale jusqu’à maintenant, la Côte d’Ivoire traîne sa nature de colonie d’exploitation, avec les multinationales du cacao, du café et de l’anacarde par exemple.

Cette situation est ancrée dans les habitudes de ce groupement d’anciens comptoirs d’autant plus qu’il a aussi pour exploiteurs ses propres fils et filles ; sinon s’engager en politique ne serait pas un métier et un moyen d’enrichissement dans l’actuelle Côte d’Ivoire. On peut en effet compter sur les doigts d’une main les élus qui ont un métier,  ou qui continuent à exercer leur métier quand ils en ont, pendant l’exercice de leur fonction politique, parce que faire de la politiques y est étrangement un métier. Cela est d’autant plus avéré que dans le temps, les députés ivoiriens avant toute législation, avait négocié de confortables émoluments et salaires avec le gouvernement.

Il faut un nouveau nom qui permette de rompre avec l’esprit d’hypocrisie de la période coloniale

L’esprit d’hypocrisie de la période coloniale se manifeste ainsi : nous savons que nos pratiques, notamment les  détournements, sont immorales, mais nous nous en accommodons parce que nous en profitons et ne sommes pas ceux ou celles qui le subissent. Et l’esprit de l’ancien comptoir fait que nous ne recherchons pas le pouvoir pour l’intérêt général, mais pour les intérêts personnels, et leur corolaire d’exclusion (égocentrisme, tribalisme, ethnocentrisme, régionalisme, clanisme) dans la gestion du pays.

Cet état de fait a pour justes conséquence dans le service de l’État : la gabegie, l’incompétence, le clientélisme, la corruption, les détournements de deniers publics et les transferts de ces fonds à l’étranger, notamment en Occident, où l’argent sale est dissimilé dans l’acquisition de biens. Il n’est par la suite pas surprenant que l’esprit de l’ancien comptoir ressurgisse à travers le cycle infernal des conflits armés, rebellions, coups d’États, complots, manigances et autres  pour réclamer ses droits ou protéger ses gains.  

L’un des aspects dramatiques de l’esprit d’hypocrisie est aussi, pour ceux qui n’ont pas de quoi s’acheter des armes, l’absence de protestations, voir la pratique d’une indifférence générale vis-à-vis des écarts de gouvernance. Cela parce que nous espérons secrètement nous rendre justice par le pillage des ressources de l’État lorsque nous en serons des autorités.

Il faut un nouveau nom qui vient de nos langues locales

Le choix du nouveau nom de la Côte d’Ivoire, à l’image des dénominations de certaines de ses régions (Ghô, Gbêkê, Gbôklé, Iffou, Leboutou, Agneby-Tiassa et autres) doit venir des langues locales.

L’option d’un nouveau nom, uniquement d’une certaine ethnie, pour une communauté nationale qui en compte soixante et des peuples de différentes cultures, peut susciter le mécontentement des autres peuples qui ne se sentiront pas concernés par ce nom qui ne vient pas de leur ethnie.

Il va donc falloir pour le choix du nouveau nom de la Côte d’Ivoire un consensus, au terme d’une large consultation de tous les peuples et communautés qui composent le pays, avec la  contribution des intellectuelles et des linguistes. Mais la stratégie de trouvaille du nom « Burkina Faso » pour l’ancienne Haute Volta, devrait inspirer pour la composition de la nouvelle dénomination  de la Côte d’Ivoire.

Il en va de l’authenticité du nom que les vraies  nouvelles générations de ce territoire réclament désormais pour leur pays de sorte à lui restituer une âme plus digne, digne d’une mère qui n’oublie jamais ses enfants qui lui rendront la pareille en mettant fièrement  leurs talents à son service.

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Auteur·e

revedehaut

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