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Côte d’Ivoire : ils sont parvenus à nous faire regretter la présidentielle de 2010 avec pourtant ses 3000 morts

Le 31 octobre 2020 était la date de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Le régime prétend que celle-ci a eu lieu, l’opposition dit le contraire à cause de l’illégalité supposée du scrutin en raison de la candidature illicite du chef de l’État sortant, M. Alassane Dramane Ouattara, à un 3e mandat tout aussi inique. Dans tous les cas on est parvenu à nous faire regretter la présidentielle de 2010, avec pourtant sa crise post-électorale et ses 3000 morts à la clé.

La nostalgie de la présidentielle de 2010

En amont de l’élection présidentielle de 2010, de nombreuses concessions sont faites par le régime d’alors, celui du président Laurent Gbagbo.  Il s’agit en l’occurrence dans un premier temps de la signature en 2005 d’un décret par Laurent Gbagbo pour permettre à Alassane Ouattara d’être candidat à l’élection présidentielle.  Pour rappel, ce dernier était inéligible selon l’ex-Constitution de 2000 (à laquelle il avait pourtant  appelé, sans que les profanes ne comprenne jamais pourquoi, ses partisans à voter « oui ») pour s’être prévalu par le passé d’une autre nationalité. Son exclusion supposée aurait été la cause de la rébellion de 2002, selon les insurgés de l’époque.

En plus de cette concession de taille en faveur de son adversaire politique, Laurent Gbagbo accepte dans un deuxième temps de céder la direction de la CEI (commission électorale indépendante)  à l’opposition. Des commissions locales de cette institution sont en outre dirigées par d’anciens rebelles qui, au passage,  bénéficient d’une loi d’amnistie.

Il est par ailleurs notable en 2010, l’inexistence de prisonniers politiques comme de la société civile et des affaires judiciaires tirées par les cheveux.   

L’organisation de cette élection est en outre irréprochable, avec le succès de l’opération de confection des cartes nationales d’identité (CNI) pour les millions de citoyens qui en ont droit. Ironie du sort : ces CNI sont toujours valables, selon un décret de l’actuel chef de l’État, jusqu’en juin 2021 alors qu’elles auraient dû être renouvelées en 2019 pour servir lors de l’élection présidentielle de 2020. D’ailleurs aucune nouvelle cni n’est prêtre à ce jour.  

La campagne électorale de 2010, avec une élection inclusive à tous les niveaux est en outre très joyeuse, pacifique et engagée. Ce qui favorise une bonne visibilité sur le projet de société de chaque candidat ainsi que le vote sur l’ensemble du territoire nationale.

Pendant le vote en 2010, l’engouement populaire est sans précédent, avec une moyenne de plus de 80% de taux de participation pour les deux tours. 

Au terme du 1er tour, la tempérance de Henri Konan Bédié qui ne fait pas de vagues face au délestage de plusieurs centaines de milliers de voies qui le qualifient pourtant au second tour marque le scrutin. Il est réceptif à la médiation du représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire et de diplomates afin de préserver l’esprit pacifique dans lequel le scrutin s’est déroulé jusqu’alors et pour ne pas gâcher la chance qu’à son pays de repartir sur les bases solides de la démocratie.  

Henri Konan Bédié a en outre pris de la hauteur en ne faisant pas preuve d’aigreur à travers par exemple son retrait du processus électoral. Son inscription dans le jeu démocratique par son  appel à ses militants à voter au second tour le candidat du Rassemblement des Républicains (RDR), Alassane Dramane Ouattara, est l’élément décisif du scrutin car il porte ce dernier à la tête de l’État.

L’on a de bons souvenirs de la présidentielle de 2010. Mais son aspect hideux, notamment la crise post-électorale, née la revendication de la victoire finale par les deux candidats qualifiés au second tour, avec l’affrontement entre d’une part des forces loyalistes et d’autres part anciens rebelles soutenus par l’armée française  et ses 3000 morts à la clé… Cet aspect négatif et indéniable de ce scrutin est bien réel. Et le fantôme de cette crise jalonne le scrutin de 2020 dans toutes ses étapes.  

La crise post-électorale de 2010 est bien factuelle en 2020

En dépit de tous les points positifs de la présidentielle de 2010, seul son aspect hideux, la crise, se manifeste en 2020 tout au long du processus électoral qui plus est, là où sous un régime sorti des urnes, donc supposé démocratique, on s’attendait au contraire. Le scrutin de 2020 est pourtant traversé de part en part par la crise.

En amont du scrutin la crise est bien réelle.

Il s’agit de l’accaparement méthodique du processus électoral par le régime Ouattara. Cela, avec d’abord l’échec prémédité de l’opération de renouvellement des cartes nationales d’identité et d’enrôlement des nouveaux majeurs, véritable stratégie d’achat de voies par le régime. L’on a ensuite la nomination illégale du président de la commission électorale indépendante (CEI), puis l’adoption tout aussi irrégulière du code électoral, ainsi que l’apparition des affaires judiciaires suivies par les emprisonnements de politiques de l’opposition et des membres de leur famille, sans oublier le refus du régime ivoirien de se conformer aux décisions de la cour africaine des droits de l’Homme et des peuples l’enjoignant à reformer la CEI conformément à la loi et à la justice pour un scrutin inclusif et pacifique.

La crise gagne en intensité à l’annonce par le chef de l’État sortant, M. Ouattara, de sa candidature illégale à un 3e mandat. Elle se caractérise même par des manifestations spontanées de protestations de citoyens qui demandent le respect de la Constitution. Ces manifestations pacifiques se transforment en conflits intercommunautaires et en opérations punitives orchestrées par des milices du régime (les microbes) chargées de disperser par tous les moyens les contestataires pour éviter de faire voir que la majorité des Ivoiriens sont contre la forfaiture du pouvoir. Des acteurs de la société civile sont arrêtés et emprisonnés. Des morts et des blessés sont enregistrés.   

La validation illicite par le Conseil Constitutionnel de la candidature du chef de l’État sortant, M. Ouattara, l’exclusion arbitraire d’opposants crédibles et l’étrange collusion des entêtements de la CEI et du régime à poursuivre le processus électoral, malgré l’environnement délétère dans lequel il se déroule envenime la situation.  Celle-ci prend des allures inquiétantes avec le mot d’ordre de désobéissance civile lancé par l’opposition face au refus du régime d’aller à la discussion, pour empêcher la distribution des cartes d’électeurs et à long terme la tenue du scrutin.

Les communautés africaines et occidentales font preuve d’hypocrisie en fermant les yeux sur les irrégularité et injustices du régime. Pendant ce temps l’Union Européenne, par exemple, préfère se voiler la face derrière une caravane pour une fausse paix avec des soutiens du chef de l’État dont le viol de la constitution est le déclencheur des troubles les plus violents. Face à l’entêtement du régime à passer en force et devant la stérilité des différentes médiations, l’opposition durcit le ton en appelant ses militants au boycotte actif du scrutin pour l’empêcher.

L’atmosphère pré-électorale en 2020, comme on le voit bien, contraste totalement avec celle du scrutin de 2010, responsable, inclusive et pacifique.

Le jour du scrutin a été désastreux avec des saccages de bureau de vote, des manifestations de protestation souvent violentes, des conflits intercommunautaires entre partisans du régime et fidèles de l’opposition. Des morts de personnes sont enregistrés, notamment dans le centre de la Côte d’Ivoire. Une très grande majorité d’électeurs comme on  s’y attendait boycotte le vote selon les observations objectives. L’opposition donne un taux de participation de tout au plus 10%. La CEI quant à elle avance le chiffre de 53%, peu convaincant pour les observateurs qui dénoncent par ailleurs des bourrages d’urnes et des votes multiples.

Dans tous les cas, par rapport au scrutin présidentiel organisé par l’administration Laurent Gbagbo, le taux de participation à l’élection sous le régime de M. Alassane Ouattara semble juste fictif.

Après la date du scrutin, La formation d’un Conseil National de Transition (CNT) par l’opposition face à la vacance supposée du pouvoir des suites d’une non-élection, selon elle, accroit la tension.

L’intimidation des opposants par des individus armés, leur mise en résidence surveillée et leur emprisonnement, comme celle des membre de leur famille  sans aucun fondement juridique  et des inculpations en cascade par le procureur de la République qui a été indifférent au viol de la constitution après avoir été accusé de créer des affaires pour le compte du pouvoir ne rassure pas sur l’avenir ; encore moins l’incarcération de farouches opposants et élus de la nation en dehors de tout processus judiciaire légal. D’ailleurs, depuis c’est le statut quo.  

La reconnaissance des résultats du scrutin organisé par le régime, par le conseil constitutionnel que l’opposition ne reconnait plus depuis sa validation illégale de la candidature de M. Ouattara ne saurait apaiser la situation, surtout que des institutions internationales appellent à respecter l’ordre constitutionnelle, sans en préciser lequel, après avoir pourtant été indifférent au viol justement de la constitution.

Finalement confiant de sa réélection en 2010, le régime d’alors ne fait aucun obstacle au bon déroulé du scrutin avant que les choses ne se gâtent lors de la proclamation des résultats finaux, à cause des suspicions de fraudes dans le nord du pays, fief de M. Alassane Ouattara et contrôlé par la rébellion.

En 2020, sûr et certain depuis bien longtemps de son échec devant une opposition unie comme à l’époque face à l’administration Gbagbo, le pouvoir Ouattara, qui avait pourtant un devoir de probité pour être sorti des urnes à 2 reprises, n’a fait que manœuvrer pour empêcher  la tenue d’un scrutin responsable, claire, transparent et pacifique, le plus important étant apparemment son maintien au pouvoir vaille que vaille.

Malgré les emprisonnements en cascade et la mise sous clé des opposants à cette forfaiture, et le soutien voilé et méprisant pour la démocratie en Afrique de certaines diplomaties occidentales et même africaines, un 3ème mandat n’est pas assuré pour M. Ouattara et son régime. L’absence de félicitations claires à sa réélection et son isolement croissant en sont des signes. Mais l’élément le plus déterminant de la fin de ces actes dignes de voyous à la tête de l’État semble la détermination de la vraie nouvelle génération à tourner définitivement la page d’un chef d’État et d’un régime adeptes des pratiques coloniales, et qui ont été incapables de faire mieux que lors du scrutin présidentielle de 2010, avec pourtant sa crise post-électorale et ses 3000 morts à la clé.

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Auteur·e

revedehaut

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