Crédit:

Moi président de la République de Côte d'Ivoire

Drapeau de la Côte d’Ivoire, Wikimedia commons

Moi président de la République de Côte d’Ivoire,

Dans un premier temps, je montrerai de l’empathie pour les défunts des crises que la Côte d’Ivoire a traversées.

J’organiserai d’abord une cérémonie nationale pour le repos des âmes de nos défunts. Elle les apaisera. Elle fera aussi prendre conscience des méfaits de la guerre aux Ivoiriens tout en renforçant notre souci de préserver la paix. Elle nous fera aussi éviter toutes les situations qui peuvent mettre à mal notre besoin de consolider la paix.

Par ailleurs, je ne ferai pas du 15 novembre, journée nationale de la paix en Côte d’Ivoire, une journée de plantage d’arbres, de plus en saison sèche. Un jour pendant la saison des pluies sera consacré à cette noble tâche, elle garantit la sauvegarde de l’environnement et sécurise des vies ; elle ne devrait pas être lâchement et hypocritement manipulée à des fins politiques.

Je ferai ensuite du 15 novembre, journée nationale de la paix en Côte d’Ivoire, une journée de commémoration de tous les morts directs et indirects des crises militaro-socio-politiques dans notre pays. Ce sera d’une part une journée de souvenir de nos compatriotes et amis du monde entier qui ont brutalement été arrachés à notre affection. Ce sera d’autre part une journée de partage, de communion, de pardon et de célébration de la diversité, pour le maintien de la lueur de l’ordre et de la paix dans notre pays.

Moi président de la République de Côte d’Ivoire,

Dans un deuxième temps, je me dévouerai pour une législation objective. En clair, je ne proposerai pas des lois parce que « c’est la mode à Paris » ou pour du m’as-tu vu, ou encore pour fanfaronner, ou pour mes intérêts particuliers, ou même pour contenter quelques patriarches pervers. Toutes les lois sous mon mandat seront le fruit d’études et d’enquêtes, le résultat d’une vaste consultation populaire, et l’aboutissement d’un débat franc et ouvert au parlement. Celui-ci sera d’ailleurs une réelle représentation de tous les peuples de notre pays, et non un fun club constitué après menaces et chantages vis-à-vis des élus pour qu’ils rejoignent mon parti politique.

– Moi, président de la République de Côte d’Ivoire,

Dans un troisième temps, je mettrai en place une politique d’autonomisation pour des régions plus fortes. Cette réforme administrative fondée sur la prise en compte des nécessités des populations locales favorisera leur véritable implication aux décisions qui engagent leur destiné. Elle exigera autant qu’elles en soient naturellement les exécutantes.

La reforme permettra une meilleure décentralisation, une plus juste répartition des infrastructures, des investissements et des populations sur l’ensemble du territoire national. Le peuple sera en amont et en aval des projets qui le concernent.  Le changement aidera donc à la construction d’infrastructures conformément à nos réels besoins, à la mesure de nos moyens et de nos capacités économiques.

La sobriété de notre stratégie de développement nous évite le chantage des entrepreneurs, les surfacturations et les endettements absurdes ; il ne sert à rien d’accentuer les disparités régionales avec des projets colossaux à la capitale alors que les moyens peuvent servir pour des réalisations plus raisonnables sur une plus grande partie du territoire national. C’est essentiel, surtout lorsque l’on sait qu’avec la rébellion et les affrontements armés en Côte d’Ivoire, ainsi que la partition du pays et les déplacements de personnes qui s’en sont suivis, des populations des anciennes « zones de guerre » ont eu leurs biens immobiliers détruits ou délabrés.

La justice voudrait que l’État n’ait pas la vision chétive de l’égoïste et de l’imposteur. Il ne doit donc pas faire preuve d’hypocrisie, il a le devoir d’aider ces victimes de guerre à restaurer leurs maisons et retrouver leurs biens par exemple. Il a en outre et par-dessus tout l’obligation d’assister les régions à la reconstitution de leur tissu industriel. Ces mesures favoriseront le repeuplement des régions, vidées de leurs populations à cause de la guerre civile. Et partant elles permettront le désengorgement des zones surpeuplées et une meilleure répartition des populations sur l’ensemble du territoire national. Elles impulseront en somme pour notre pays une avancée plus saine et sereine vers un meilleur épanouissement de ses habitants.

Moi président de la République de Côte d’Ivoire,

J’entamerai enfin courageusement et objectivement une large réflexion sur le type de régime politique qui est adapté à notre pays, en considérant le fait qu’il appartient au continent africain. Les implications culturelles de cette condition, jusqu’alors ignorées, seront donc prises en compte.

Le pouvoir, disons plutôt le devoir que j’envisage, sera clairement fondé sur nos cultures africaines. Ou à tout le moins il en sera en grande partie inspiré, en particulier du système matrilinéaire. Il est l’essence de l’organisation sociopolitique des peuples africains avant les influences dominatrices extérieures. Ce n’est pas le cas du patriarcat qui est venu de l’orient avec l’islam et de l’Occident avec le christianisme. Il s’est par la suite accentué par la conquête, puis la colonisation, et s’est imposé à travers les régimes politiques et les dirigeants qui en sont l’émanation. En clair le système matrilinéaire qui est notre nature est mieux adapté à nos réalités et à notre vision du monde.

Le patriarcat, a contrario, étranger à l’Afrique, ne nous est d’aucune utilité. Il établit les relais du néocolonialisme avec des États supposés indépendants. Cela notamment à travers des hommes forts ou des chefs d’État tout-puissants à la tête de nos pays. Le fait que l’on constate que les populations sont pauvres alors qu’elles vivent sur des territoires riches en est l’illustration. Tout comme de simples présidents fortunés une fois au pouvoir en est aussi la preuve. Le constat des chefs d’État qui s’accrochent au pouvoir le confirme bien.

Le système matrilinéaire, qui est aussi le « droit maternel » ou l’ordre « social maternel » et non pas le « pouvoir aux femme », ne fait pas de l’enfant, encore moins de la femme, le bien du père de famille. Ils n’y sont pas la propriété de l’homme. Le matriarcat ne transforme pas non plus le père de famille, et l’homme en général, en oppresseur ou en chef illusoire d’un certain ordre social.

Le régime présidentiel en revanche, d’émanation patriarcale, a tendance à faire des biens de l’État une propriété de son chef, autant que le patriarcat fait de la femme et de l’enfant des possessions de l’homme. Il transforme en outre le président en une autorité factice. Ce dernier ne peut donc qu’être oppressif quand il doit faire face à une quelconque critique, qu’elle soit de l’opposition ou de simples citoyens ; ou même lorsqu’il sent son pouvoir menacé. Il est simplement un dictateur.

La femme, symbole de la nations et l’enfant représentation de l’avenir de cette nation, ne sont pas un bien du père de famille dans le système matrilinéaire : le père y est le protecteur, le défenseur, le pourvoyeur aux besoins de sa famille, l’enfant bénéficie de la protection de ses oncles et tantes maternels. De même le régime politique que je préconise fait de l’État l’affaire de tous, il ne le transforme pas en une propriété de son supposé chef.

D’ailleurs la fonction de président de la République disparaitra pour laisser la place à un collège à la tête du pays. Ce corps d’élus tiendra lieu de parlement. Il sera dirigé par un coordinateur désigné à l’unanimité par ses pairs. Comme sa fonction l’indique le coordinateur n’a aucun pouvoir exécutif, celui-ci sera détenu par l’ensemble du collège. Il a juste un rôle de synchronisation du travail de l’ensemble des ministres et des moyens mis en œuvre.  Les ministres seront recrutés par le collège après dépôts de dossiers de candidature et exposé sur le ou les projets qu’ils préconisent pour le département qui suscite leur intérêt. Les ministères même seront clairement prédéfinis pour éviter de verser dans la prédation, la démagogie et les gaspillages.

Cette révolution, qui n’en est au fond pas une pour des Africains, l’organisation politique de l’ancienne puissante confédération ashanti en est le témoignage, est faite en référence au système matrilinéaire selon lequel la femme et l’enfant sont entourés. Ce système politique qui met la nation au centre des préoccupations est aussi effectuée en rapport à la réalité sociopolitique de notre pays composé de plusieurs peuples, de diverses ethnies et de différentes régions ainsi que d’une pluralité culturelle.

Le collège en effet accorde de la responsabilité aux réels bénéficiaires des ressources de leur pays, composé de personnes de bonne volonté qui auront déjà fait leur preuve dans leurs régions et localités respectives grâce à la décentralisation. Il évite l’accaparement de la chose publique par un individu, un peuple, une ethnie, une région, un clan ou encore une classe sociale, comme il se passe sous les régimes présidentiels dans des supposées Républiques en Afrique. Il préserve également encore une fois le pays des impostures, de l’incompétence, de la gabegie, des machinations et de la corruption.

Le système politique que je préconise est clairement un système inclusif par le bas ou depuis les populations, il est juste dans sa mise en œuvre et n’oublie aucune région, aucun peuple, aucune ethnie et aucun individu.

De plus l’amour qui existe entre la mère et son enfant et réciproquement, comme le montre le système de l’ordre social maternel, devait être le socle du lien que chaque citoyen de notre pays entretien avec son territoire. Un tel régime politique qui implique le citoyen lambda à la gestion des affaires publiques ou à l’administration de ses biens n’entrainera pas l’immigration de nos jeunes femmes et de nos jeunes hommes vers des pays développés. Leur territoire, respectueux de la personne humaine et de la vie, sera en effet déjà pour eux la terre-nourricière ou la terre promise, grâce notamment à son dynamisme et à une répartition équitable des richesses, comme une mère n’oublie pas ses enfants.  

Par ailleurs le rôle protecteur de l’homme pour sa femme et sa progéniture, comme il en est le cas dans le système matrilinéaire, devrait également inspirer en chaque citoyen un devoir de police de chacun pour le bien publique. Celui-ci est sa mère et l’héritage pour sa progéniture. On ne se l’avoue pas, mais c’est le cas en Occident, très jaloux de ses biens et principes. Et pourtant il a sa source dans la culture africaine originelle à travers le système matrilinéaire.

Il nous revient donc, en tant qu’Africain, de nous réconcilier et de nous familiariser de nouveau avec ce dont nous avons la pleine maîtrise, nos cultures et notre civilisation. Il n’y a qu’ainsi que l’ensemble des populations accédera au bien-être et au bonheur auxquels il aspire et auxquels il a naturellement droit. C’est d’ailleurs à cette fin que la déclaration universelle des droits de l’homme et des peuples proclame le droit de tout peuple de disposer de lui-même.

Partagez

Auteur·e

revedehaut

Commentaires