Fin mars 2019, le gouvernement ivoirien a adopté des projets de loi relatifs au mariage, à la minorité, aux successions et à la filiation. En dépit de quelques évolutions au niveau des trois premiers, la reforme sur la filiation s’annonce assez complexe. Elle véhicule en effet certaines injustices et pourrait de plus implicitement proclamer une légalisation inavouée de la polygamie en Côte d’Ivoire.

- Une reforme patriarcale
La reforme sur la filiation en Côte d’Ivoire répond, selon les autorités, du besoin de ne considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant né hors mariage qui « n’est plus, ainsi, comptable des actes de ses père et mère ». C’est bien beau, mais on se garde bien d’informer sur les chiffres et les statistiques sur les individus qui sont concernés par la non reconnaissance de leur père à leur naissance. Aucune enquête ou tout autre étude non plus sur les raisons pour lesquelles des enfants ne sont pas reconnus par leur père n’a été utilisée comme argument pour motiver la réforme.
Il serait judicieux de prendre en compte ces éléments et de les porter à la connaissance de la population. Cela pour ne pas donner l’impression que ces reformes sont le fait de patriarches soudainement riches, qui ont donc eu les moyens de contracter au moins un mariage parallèle, mariage illégal parce que non reconnu par la loi. Ce sont ces unions coutumières ou religieuses.
Et pour revenir à ces super mâles, vu leur statut de patriarche, ils seraient fort embarrassés lors de la reconnaissance de leurs enfants adultérins. Ils doivent en effet avoir l’autorisation de l’épouse légitime à cet effet, selon la loi actuelle. La reforme viendra proclamer la fin de ce détail qui met l’époux en face de son devoir de fidélité et de respect vis-à-vis de son épouse et vice versa. Cette loi valorisante pour l’épouse légitime qui n’a rien à se reprocher sera ainsi abrogée. Selon la reforme, son avis ne compte plus, l’homme l’informe simplement de la reconnaissance de son enfant adultérin avec la complicité de la justice.
- La justice au service de l’adultère et de l’injustice
L’homme pourra en effet reconnaître son enfant né de son « commerce adultérin » non plus après le consentement de son épouse légitime, mais après une simple notification de celle-ci par un acte d’un commissaire de justice.
L’on est tenté de se demander à quoi répond la notification de l’épouse par un huissier avant que l’époux ne reconnaisse son enfant adultérin, puisque l’avis de cette femme ne compte pas. Pour son dédommagement ? Ou pour toutes autres compensations ? Ou encore pour tout autre règlement par rapport aux enfants légitimes ? Rien ne le dit. Une chose est sûre, on a l’impression que des services de la justice sont mis à la disposition d’un acte immoral, l’adultère. Le pire, on dénue à l’épouse légitime le droit de protester contre l’immoralité de son époux.
On lui offre sournoisement le choix entre le divorce et une certaine vie conjugale. Elle peut en effet demander la séparation en raison de l’infidélité de son époux. Cependant en dehors de la vie maritale une femme est non seulement mal vue dans la société ivoirienne, mais elle paraît non plus n’avoir aucune existence. Endurer les infidélités de l’homme ou accepter d’être marginalisée. Telle est la position de l’épouse qui finalement semble se trouver entre le marteau et l’enclume. Il est encore évident que l’égalité homme-femme qui a motivé les reformes sur le mariage, parallèlement aux innovations sur la filiation, est ici mise à mal.
- Une réforme qui fait une part belle à la polygamie
La réforme annoncée sur la filiation donne ainsi implicitement un statut légal aux multiples mariages contractés soit de façon traditionnelle soit suivant certaines religions. On donne ainsi en Côte d’Ivoire l’impression de faire de l’adultère une vertue, sinon d’en être indifférent, alors que la loi la considère comme un motif de divorce.
La relation extraconjugale est de plus dans les faits la cause de plusieurs drames sociaux. De nombreux faits divers liés à cet acte de traîtrise d’un des membres du couple en sont la preuve. L’adultère n’est certes pas un délit en Côte d’Ivoire, mais à partir du moment où il est la cause de tragédies, de désordres sociaux ainsi qu’un motif de divorce, toute reforme devrait être plus pour le décourager que pour l’encourager. Cela semble pourtant difficile à réaliser puisqu’il est le fondement de la polygamie, polygamie que cette reforme sur la filiation en Côte d’Ivoire cautionne implicitement.
Finalement l’intérêt de l’enfant né hors mariage qui paraît la raison pour laquelle ces reformes de la loi sur la filiation sont annoncées n’en serait pas la cause réelle. La situation de ce rejeton paraît simplement manipulée en vue d’accorder plus de crédit à la polygamie. Ce dessein inavoué met en danger l’institution familiale et constitue à long terme un facteur de désordre social et public. Ce que dit pourtant vouloir éviter le gouvernement en engageant ces reformes. Allez y comprendre quelque chose.
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