Attention, ce billet est une pure fiction, toute ressemblance avec des faits réels n’est que pure coïncidence.
Tu t’arranges pour enfin faire parvenir ton époux au pouvoir, après des dizaines d’années de lutte, de convoitise. Tu as désormais ton pouvoir. Tu es maintenant première dame, comme tu l’avait espéré pendant des années, d’abord par un bras de fer avec le dauphin constitutionnel après la mort du vieux, puis par un coup d’État par rapport auquel tu t’es fait rouler dans la farine par le putschiste en chef qui était supposé rouler pour vous et vous rendre justice, vous donner la présidence de la République sur un plateau.
Tu piaffes aussi d’impatience pour enfin faire parti des dirigeants du monde. Les nombreuses tentatives de coups d’État n’y font malheureusement rien. Mais Dieu n’oublie pas ses enfants, tu parviens enfin au pouvoir de façon providentielle. Bon, avec tout de même le soutien de l’opposition. Dans tous les cas, avec tout ce qu’on savait de toi, c’est un miracle d’avoir eu le soutien de ces derniers et de toute la communauté africaine et occidentale.
Dieu vous donne le pouvoir ; tu deviens première dame, tu révolutionnes cette fonction fictive et honorifique, naguère dévalorisée par tes prédécesseurs, en la transformant en une super profession : conseiller suprême de ton époux de président de la République, parfaite gérante de la communication de ce dernier, incontournable détentrice et exécutrice de grands projets du pays, absolu canal de la destinée de ce territoire ; la Leïla Trabelsi Ben Ali même de l’époque ne fait pas le poids devant moi.
« Sous prétexte de respect d’une certaine constitution, comme si la constitution d’un pays précaire était au dessus de moi. »
Et, un matin sous prétexte d’alternance à la tête de l’État, sur un continent de monarques, d’empereurs et de dictateurs, qui plus est… Sous prétexte de respect d’une certaine constitution, comme si la constitution d’un pays précaire était au dessus de moi, la fille de l’ancienne puissance coloniale et de mon clone et économiste d’époux qui l’a écrite…
Sous prétexte de toutes ces conneries, un matin tu entends que tu dois quitter le pouvoir, ton opportunité d’affaires, ton marché, ton entreprise, ta société, ton business, que tu as monté coups de fusils après coups de fusils, manipulations après manipulations, lois iniques après loi iniques, amendements suspects après amendements suspects, ordonnances illicites après ordonnances illicites, marchés personnels après marchés personnels, illégalités après illégalités, fraudes après fraudes, autoritarisme après autoritarisme, emprisonnements après emprisonnements, intransigeances malveillantes après intransigeances malveillantes…
« Ce pouvoir est la conséquence logique d’un réseautage d’un génie inégalable à travers toute la planète. »
Mais diantre ! C’est mon entreprise, jamais je ne la céderai. Contrairement à Marie-Thérèse H. B., Henriette B., Rose Doudou G, Simone H. G., moi, j’ai souffert pour l’avoir. C’est le fruit acharné de la sueur de tout ce qui peut transpirer sur mon corps, le résultat de l’écoulement de toute sorte de sang : élites militaires, politiques et sociales, chômeurs, jeunes gens tout frais, partisans ignorants. Ce pouvoir est la conséquence logique d’un réseautage d’un génie inégalable à travers toute la planète.
Qu’il pleuve ou qu’il neige, qu’il y ait des tempêtes ou des ouragans, jamais je ne laisserai mon business, à des gens qui ne le méritent pas par dessus le marché, même en rêve : des immatures, incapables de bonnes gestions ; adepte des gaspillages, 60 ans d’indépendance, pourtant incapable de créer une entreprise aussi prospère que le poste de première dame auquel je donne toute sa superbe depuis seulement 10 ans.
Toutes ces pressions contre moi sont dignes d’un licenciement abusif, de la pure jalousie ; elles ressemblent même à ma future déportation d’un territoire dont je suis la digne héritière en raison de son nom tout en français, qui veut bien dire que c’est un territoire de mon pays d’origine. Moi, gouvernante ? J’en suis la gouverneuresse ; occulte, peut être, mais plutôt cela que d’être aussi effacée que Collette Senghor, Élisabeth Diouf, Viviane Wade.
« Mais diantre ! Que de viendrais-je une fois partie de la Présidence ? »
Mais diantre ! Que de viendrais-je une fois partie de la Présidence, moi son excellence, Mme la première dame, la véritable qui n’a jamais connu cet ancien comptoir français, mon héritage légitime, moi Mme la présidente ? Je suis d’ailleurs le modèle de réussite par excellence. De simple ménagère, qui flirtait déjà avec la fortune douteuse, à la grande et richissime manager. Comment ils disent déjà ? Ah oui : « Y’a pas l’homme pour moi »(1).
Mais tout de même ! Comment ça s’est terminé pour Chantal l’intègre (mon œil !) et son époux, que nous hébergeons depuis, fait peur. Des porte-malheurs en puissance ceux-là. Faut les éviter.
Je ne me laisserai pas faire, je vais jouer mon va-tout. Je sors mon arme fatale ; avec la couleur de ma peau, lumière, et mon réseau d’amis, ça marchera encore, on s’attirera à nouveau la compassion, pourquoi pas le soutien de la communauté internationale, bien que la chose soit mal engagée avec cette satanée constitution qu’on prétend que nous avons violé. Moi si sainte, femme en outre, capable d’un viol ? Je tombes des nus. Mensonges. Enfin bref.
Mon arme fatale : La manipulation. Bon, en clair, c’est la dénonciation des dérives ethniques et communautaires ainsi que de la xénophobie auxquelles s’adonneraient nos opposants. C’est faux évidemment sur cette terre aussi bien brassée vu que j’y ai aussi été moi-même bien accueillie il y a 30 ans. Mais, en tenant compte des enjeux, les risques qui planent sur mes avions, sur mon train de vie, mon prestige, mes affaires et ceux de ma progéniture, sur notre avenir en somme… en considérant cela, mon imposture et mes mensonges se justifient amplement. Ils peuvent mettent le pays à feu et à sang. Ce sera pas la première fois. Et puis, Pas de souci pour moi, j’ai toujours mon véritable passeport.
Et puis, il n’y a pas de raison que ce qui a marché hier ne fonctionne pas encore aujourd’hui, surtout lorsque tu arrives à manipuler tes beaux-parents, et que ceux-ci se contentent bêtement de se réjouir de la présence de l’un des leurs au pouvoir, avec en plus ces ponts et ces bitumes réalisés à coups de dettes qui les impressionnent tant alors qu’ils croupissent dans la pauvreté.
Ouf ! Heureusement que nous avons judicieusement pensé à dissimiler les fruits de la croissance économique ou à nous en servir, mon époux et moi ainsi que notre clan pour créer nos propres entreprises, dans diverses domaines en outre. Quelle prévoyance !
Mais malgré tous mes biens mal acquis, jamais je ne vivrai aussi aisément dans mon pays d’origine si je renonce à mon job de première dame, la plus belle profession qui existe, grâce à mon génie.
(1) Je n’ai pas d’égal.
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