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CAN 2023 ou les compétitions dans la compétition

La Coupe d’Afrique des Nations de la CAF est, il va sans dire, une compétition de football. Mais depuis le début du tournoi, d’autres oppositions se déroulent en dehors des aires de jeux.  

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La compétition au niveau de l’ambiance

Sur le plan de l’ambiance, l’hymne officiel de la CAN a été simplement détrôné par le coup du marteau de Tam Sir et son équipe. La compétition entre deux genres musicaux, l’un sans identité musicale claire et difficilement positionnable dans un genre spécifique, malgré le florilège de stars qui le chante (Magic system feat Yemi Alade et Mohamed Ramadan ) a été supplanté par le second, réalisé par des artistes moins célèbres.

Le succès du coup du marteau était dans le fond prévisible. Ce titre a été réalisé dans la pure tradition enflammée du coupé-décalé. De plus ce style musical insouciant et enthousiaste colle bien avec l’ambiance survoltée et passionnée des rencontres de football. Il a été en outre créé par des artistes qui sont de la même génération que la majorité des athlètes. Par ailleurs la CAN 2023 se déroule sur la terre qui a vu naître le coupé-décalé, la Côte d’Ivoire.

Célébration de but avec « le coup du marteau » dans les championnats européens, crédit photo : facebook.com

L’ambiance dans les maisons, les maquis, les espace de diffusion plein-air, les fun-zones, les stades et même sur les profils tik-tok, sans oublier sur le terrain de foot à l’étranger en est une pure illustration. Le coup du marteau de Tam Sir et sa team (la team paiya) y est partout joué en boucle ; il est même fredonné et dansé par les fanatiques de toute âge et de toute nationalité, d’autres prennent même du plaisir en le reprenant en d’autres styles musicaux.  

AKWABA, l’hymne officiel de la CAN 2023

En somme, des anonymes et plus jeunes, bourrés de génies et de talents l’emportent sur les célébrités. Comme quoi : « Le poisson sait nager, mais pas dans la sauce pimentée », le dit le proverbe baoulé : « Kpatra si nzüé wè, nan yélè makun nzüé »

Le tournoi dans le tournoi se déroulait aussi lors des rencontres qui opposaient des pays voisins.

Les Derby régionaux

Sur l’aire de jeu, la suprématie en Afrique de l’ouest a été respectée, avec les victoires palpitantes des éléphants de Côte d’Ivoire, dans un premier temps contre les lions de la Téranga du Sénégal, et dans un second temps contre les aigles du Mali. Le mythe de l’invincibilité ivoirienne a ainsi été maintenu devant le Sénégal et le Mali, deux nations qui n’ont jamais battu la Côte d’Ivoire au foot. Cette suprématie révèle aussi l’antagonisme des croyances.

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Évangile contre charlatanisme

La victoire des éléphants contre le Sénégal pour les huitièmes et le Mali ensuite pour les demis, deux nations réputées pour leur forte tradition de maraboutages ; est selon les Ivoiriens, celle de l’évangile sur le charlatanisme. Ces victoires, l’une aux tirs aux but et l’autre, dans les ultimes instants du temps additionnel, chaque fois après avoir été mené au score, ne sont que la confirmation, pour les supporteurs de la Côte d’Ivoire, de l’action divine dans la qualification miraculeuse des éléphants au deuxième tour de la compétition. Leur passage à cette étape du tournoi a même été qualifiée de résurrection.  

Les éléphants de Côte d’Ivoire remerciant le ciel après chaque victoire, crédit photo : facebook.com

Cette croyance est d’autant plus confirmée que les fanfaronnades de charlatans sénégalais et maliens sur les réseaux sociaux et les grandes prédictions de prétendus serviteurs de Dieu ivoiriens quant à la défaite imminente des éléphants devant leurs deux teigneux adversaires tranchent avec l’humilité et le calme des Ivoiriens après leur repêchage inespéré. « Le plan de Dieu n’est pas le plan de l’homme« , en ont conclu les fans des éléphants après leurs deux précieuses victoires, tout en confirmant leur regain de dévotion par le verset biblique à l’endroit de leur équipe : « Car je sais bien ce que j’ai l’intention de faire pour vous : c’est la paix et non le malheur. Je veux vous donner un avenir et une espérance. » (Jérémie 29, 11)

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La modestie des Ivoiriens et l’augmentation de leur piété ont, vraisemblablement, été les catalyseurs des victoires qui ont suivi face à leurs adversaires. Les deux attitudes dévoilent l’une des plus grande victoires, sinon l’une des plus grandes compétitions sous-jacentes à la Coupe d’Afrique des Nation 2023.

Sélectionneur local contre sélectionneur expatrié

L’antagonisme Sélectionneur local Vs sélectionneur expatrié est d’autant plus passionnant qu’il s’est déroulé au sein d’une même équipe, celle du pays hôte de la compétition, la Côte d’Ivoire.

L’entraîneur intérimaire Faé Emerse, Ivoirien, en enchainant 3 victoires d’affilé pour qualifier son équipe en finale, réussit là où son ancien patron, un expatrié, avait échoué au premier tour de la compétition.

Au-delà de Faé Emerse, sur papier adjoint de l’ancien coach, mais dans la réalité relégué à une position hypothétique de collaborateur du français Jean-Louis de Gasset et son adjoint officieux, ce sont les valeurs locales qui l’emportent sur les expériences importées.  Il faut le reconnaître, il en est ainsi parce que la qualité locale est en réalité la somme des valeurs autochtones et de ce qui vient d’ailleurs, comme le parcours de Faé Emerse. Il est Ivoirien, né en France, formé là-bas, il y entraîne avant d’intégrer le staff de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire, d’abord comme sélectionneur de l’équipe espoir, puis en tant qu’adjoint de l’entraineur de l’équipe A. 

Faé Emerse, l’entraineur intérimaire des éléphants (au centre) entouré de ses collaborateurs et ses joueurs, crédit photo : facebook.com

Le talent local est valorisable et à valoriser. Il en est ainsi d’autant plus que Faé Emerse réussit à qualifier les éléphants pour la finale de la CAN (soit dit en passant comme ses illustres prédécesseurs et compatriotes Yéo Martial et Zahui François) alors qu’il est un choix par défaut de la FIF (fédération ivoirienne de football). Après la démission ou le limogeage (on ne sait plus trop) de Gasset, les responsables de la FIF négociaient avec un autre sélectionneur expatrié (Hervé Renard) pour remplacer un précédent expatrié qui avait lamentablement échoué. Heureusement, pourrait-on dire que ces négociations n’ont pas abouti.     

Comme on peut bien le voir à la CAN 2023, avec les Succès de Tam Sir, de Faé Emerse et des Éléphants, il y a bien des compétitions et mêmes de belles compétitions au sein de la compétition. Et ce sont les petits ou les anonymes, en tout cas, ceux qui font preuve d’humilité et font parler leur génie, leur dévotion et leur fougue qui supplantent les autres. L’esprit de la CAN 2023 est simplement un réel avantage psychologique et même mystique pour les Éléphants de Côte d’Ivoire, qui se sont mis dans la peau du petit, en vue de la victoire finale face au Super Eagles du Nigeria.

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Auteur·e

revedehaut

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