La CAN (Coupe d’Afrique des Nations) Côte d’Ivoire 2023 qui a débuté ce 13 janvier 2024 attire des milliers de fanatiques du football d’Afrique et de journalistes des quatre points du globe. Le Nouchi, l’argot parlé dans les rues de Côte d’Ivoire, fera sans aucun doute aussi parti du spectacle. Déjà l’Ivoirien est de nature très accueillant, mais la connaissance de quelques mots nouchi est un avantage de communion des invités de la CAN avec la population locale ; cela en dehors du jeu, dans les rues notamment, pendant les matchs et même après les rencontres sportives.
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En dehors du jeu
En dehors du jeu et dans les rues, le respect est l’un premier facteur de la sympathie en Côte d’Ivoire. Il se manifeste au premier contact par la salutation. Et celle-ci doit se faire avec de la chaleur et de l’humilité. Le « Bonjour », le « bonsoir » ou même l’« au revoir » n’est donc pas sec et froid, il doit être accompagné d’une désignation qui informe votre interlocuteur de la considération que vous lui portez.
Ainsi on dit par exemple : « Bonjour,le père » pour saluer quelqu’un de plus âgé que soi. « Le père », qui rappelle l’appellation des prêtres de l’Église catholique, relève l’ancienneté de votre interlocuteur, donc sa sagesse, est en réalité le diminutif de la locution « Vieux-père ». Expression du respect, « Le père », dit aussi majestueusement, attire toute la sympathie de celui à qui elle est adressée. La politesse ouvre facilement les cœurs en Côte d’Ivoire.
Dans l’esprit de cette expression et à sa symétrie, l’on a : « Mon fils », pour s’adresser à beaucoup plus jeune que soit. A côté de « Le père » qui marque …
Attention : ne pas confondre « Le père » qui est l’expression de la dignité de l’individu à qui ce terme est adressé, et « Lopère » qui, lui, renvoie à la bassesse de son destinataire, par exemple Lopère Daloa (individu d’un certain âge qui s’est fait remarquer par ses déplacements sur le ventre devant les personnalités dans un esprit de mendicité).
À côté donc de la formule de politesse « le père » qui marque l’égard pour l’ainé et favorise la protection de ce dernier, « mon fils » quant à elle est une preuve d’affection pour un individu qui est beaucoup moins âgé que soi. Elle est dans le même temps un devoir de considération de ce cadet vis-à-vis de son aîné, « son père ». Et « le fils » occasionnel ne vous décevra pas, il vous sera totalement serviable.
Attention tout de même, le service est certes cadeau, mais il ne doit pas être gbanzan (gratuit), car faut pas être atchêbê, awlan ou avare envers « le fils ». Faut donc, en clair, faire preuve de générosité, en glissant par honnêteté gbringbrin ou mougoumougou à son homme de main de circonstance. Ce geste ne fera certes pas de lui votre Ropéro ou votre ropé, heureusement d’ailleurs parce que cette expression qui veut au moins dire parasite, homme à tout faire, est chargée négativement, mais votre action vous garantira un bon petit, un cadet dévoué et fidèle.
Petite précision : Gbringbrin ou mougoumougou renvoie à de la petite monnaie. Il correspond plus au pourboire en français. Attention à ne pas confondre mougou et mougoumougou. Le premier, qui est un verbe d’action de langue dioula et dont le nom est le mougouli, renvoie à un acte que la pudeur nous garde de décrire, sans ignorer le fait que beaucoup de supporters pourraient si adonner durant ce mois de compétitions dans les hôtrôs (hôtels) des villes hôtes de la CAN avec des pkoklés (prostituées).
Soit dit en passant les supportrices cap-verdiennes font beaucoup fantasmer leurs hôtes ivoiriens sur les réseaux sociaux, qui ne tarissent pas de plaisanterie et de blagues au sujet de leur grande beauté. Encore une fois, attention ! La plaisanterie est certes partout en Côte d’Ivoire et elle favorise la cordialité, mais les Ivoiriens ne sont pas des plai-en-tin. Des supportrices pourraient rentrer dans leur pays avec un souvenir éternel de la CAN Côte d’Ivoire 2023 : un bébé CAN.
En dehors du terrain, le respect, l’affection, l’honnêteté, et la plaisanterie garantissent l’amabilité de la part des Ivoiriens. La connaissance de certaines expressions nouchi employées durant les rencontres accentuera la gentillesse de ces hôtes.
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Pendant le jeu
Dans les tribunes, dans les fans-zone et d’autres espaces publiques, notamment les maquis, où les matchs seront vus, l’on pourra entendre quelques expressions, comme : « Arbitre fait combine », pour dire que l’arbitre du match est partisan. Certains footballeurs qui réaliseront de mauvaises performances se verront, sans méchanceté, traités de sac, de bôrô, ou même de « boubou ». Des sélectionneurs qui coacheront mal leur équipe seront reconnus forts mais : « fort dans vaurien ». D’autres joueurs, ceux-là performants et décisifs seront qualifiés de : « mauvais », de « toxiques ».
L’équipe qui réalise de grandes performances sera, elle, simplement qualifiée de « rouge », si bien qu’elle suscite la « yoï » ou la peur chez ses adversaires. Quoi de plus normal puisque ces derniers ne souhaitent pas qu’on fasse leur sauce, ou font attention à ne pas se faire étriller. Pour se faire ils devront soit gbôrô leurs adversaires c’est à dire s’adonner à des actes d’antijeu contre ceux-ci, et s’exposer ainsi à des cartons rouges, ou il faudra jouer tabouret, qui veut dire jouer très bas sur le terrain. Même ainsi ils risquent plus pourtant de se faire kpatra (battre) par leurs adversaires que de battrer ces derniers. Un butluck ou un but sao, entendez par là un but chanceux ou un but contre le cours du jeu, pourrait pourtant donner la victoire à l’équipe tocklo, (équipe approximative).
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Après le match
Le lexique d’après match n’est pas moins riche et très fairplay. Déjà à la fin des matchs de poule certaines équipes tocklo seront gbra (sorties) de la compétition. Tout simplement parce qu’elles ont tapé poteaux (échouer) durant cette phase de la compétition. Elles vont donc djô, ou rentrer dans leur pays. Cela a par exemple été le cas, voire beaucoup plus tragique même, pour la génération dorée des Éléphants de Côte d’Ivoire, de 2006 à 2014, emmenée par son capitaine Didier Drogba et les académiciens, qui a malheureusement tapé poteaux à deux finales de CAN. fairplays leurs compatriotes n’ont pas pour autant gran’n sur eux ou rejetés.
Après le match, des fans pourraient chanter fièrement que leur équipe a teuh durant la rencontre, elle a fait preuve d’une grande performance. Et si jamais sa prouesse fait l’unanimité, l’équipe aura simplement gâté le coin, ou dja foule. Tout simplement parce ya pas eu l’homme pour ses joueurs, ou leurs adversaires n’étaient pas à leur hauteur ce soir-là. Ces derniers auront simplement tiré dans l’eau. Ce n’est évidemment pas ce que les Ivoiriens souhaitent pour leur équipe nationale, avec le niveau moyen des premières rencontres de la compétition et les retours positifs au sujet de la cérémonie d’ouverture grandiose et tout en couleur, ils n’ont de cesse de marteler aux Eléphants l’un des proverbes nouchi les plus célèbres : « Dindinman n’a pas luck », qui se traduit par « La chance sourit aux audacieux ». Tous les voyants sont donc aux verts pour qu’elle remporte sa troisième CAN. Aux Eléphants donc de ne pas jouer les dindinman, ou de ne pas dindin, ou encore de saisir leur chance.
Le nouchi, avec sa particularité, un mélange de langues locales (la Côte d’Ivoire en compte au moins soixante) et de langues étrangères, le tout sur fond de valeurs traditionnelles des peuples de Côte d’Ivoire, est déjà une garantie de communion des invités de la CAN et des populations qui les accueillent. Le mieux que l’on puisse souhaiter pour la compétition, c’est que foule dja (le succès total) pour que l’enjaillement (la joie) soit gnan’n (grande) dans tous les cœurs et partout en Afrique.
Akwaba (Bienvenue) à toutes les délégations. Bôrô d’enjaillement ! (Que de la joie !)
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