Le congé scolaire pour les fêtes de fin d’année est pour prévu pour ce 17 décembre en Côte d’Ivoire. Cependant, comme depuis plusieurs années maintenant, les élèves ivoiriens perturbent les cours pour que le congé leur soit attribué bien avant la date arrêtée par le ministère de l’Education nationale. A y voir de plus près, les collégiens et lycéens ivoiriens n’ont pas volé leur attitude séditieuse.
Genèse d’un phénomène ivoiro-ivoirien
Le congé scolaire anticipé est un phénomène qui a débuté à la fin des années 2000. Il a donc pris forme au bout d’une décennie d’événements qui ont bouleversé l’évolution de la Côte d’Ivoire.
Le premier est le coup d’État du 24 décembre 1999. Celui-ci serait le résultat de la mutinerie de soldats ivoiriens qui réclamaient leur solde après leur déploiement en Centrafrique pour le compte des Nations Unies. L’opposition voyant, sans doute, en ce putsch l’occasion de se débarrasser enfin du régime quadragénaire de l’époque et d’accéder au pouvoir, en a tout de suite pris acte, au mépris de toute éthique démocratique. Elle donna ainsi l’impression d’être le commanditaire du coup d’État réalisé par les : « Jeunes gens », comme le chef de la junte appelait les mutins.
La révolte ainsi que l’esprit du désordre et du raccourci politique pour accéder au pouvoir ont donc été en parfaite intelligence lors de ces faits désastreux. Le soulèvement des élèves et leur bravade envers les autorités pour bénéficier de plus longs congés font écho à l’insoumission aux règles de la part des soldats et des politiciens pour se débarrasser d’adversaires politiques ; cela dans le but de jouir du pouvoir aussi.
Le second événement est le coup d’État manqué du 19 septembre 2002 qui s’est par la suite transformé en rébellion armée, en partition du pays en deux et en guerre civile. A des discussions de haut niveau à Lomé en octobre 2002, État et rébellion armée enregistrent des progrès notables sur le retour des militaires exilés, leur réintégration dans l’armée, les questions de solde, le vote d’une loi d’amnistie et le maintien de l’intégrité territoriale de la Côte d’Ivoire. Mais les rebelles exigent la révision de l’article 35 de la constitution de 2000 relatif aux conditions d’éligibilité à la présidence de la République. Étrange pour des militaires d’avoir des revendications politiques. Ces derniers ont même confirmé leur relent politique, en se voyant offrir des postes de ministres, au mépris de toutes morales et de toutes compétences.
Rébellion armée, agenda politique sournois et mesquin sont en collusion pour arracher à l’État ce que la loi refuse aux individus qui les incarnent. Ces événements semblent avoir inspiré l’attitude belliqueuse des élèves ivoiriens voulant imposer leur volonté à l’autorité en obtenant vaille que vaille leurs congés avant la date indiquée.
Ironie du sort, opposants inconséquents et malhonnêtes adeptes du désordre et des raccourcis pour accéder au pouvoir lors du coup d’État de 1999 et soit disant rébellion armée de 2002, branche politique comme militaire, ont dirigé le pays ou sont à la tête des affaires en ce moment.
Comme quoi, avec les congés scolaires anticipés réclamés par « les jeunes gens », les dirigeants ivoiriens ne font que vivre leur Karma. Le proverbe Baoulé le dit : « Boli wou man boua » (Le cabri ne met pas un mouton au monde). La sagesse populaire dit encore : « Le poisson pourrit par la tête ».
En d’autres termes les élèves ne font que reprendre, à leur manière, le comportement irresponsable que ceux qui les dirigent aujourd’hui avaient eu à l’époque ; si on suppose que cet esprit du désordre fait partie du passé. Ce qui n’est pas le cas, comme le confirme l’attitude des jeunes gens et plusieurs actes politiques immoraux dont le summum, est le fameux troisième mandat illégal du chef de l’État actuel.
Il ne faut pas se leurrer, avec un environnement socio-politique si pourri, rien ne présage la fin des congés anticipés en Côte d’Ivoire. Et pourtant des solutions existent bien pour l’annihiler.
Les solutions au congé anticipé
« Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. ».
La Côte d’Ivoire qui était en avance sur son temps dans les année 1970 devrait jeter un regard rétrospectif sur son passé lointain. Des solutions à l’esprit des congés anticipées existent bel et bien.
En réalité, le congé anticipé en lui-même n’est pas un réel problème. C’est l’esprit de désordre et de révolte qui l’anime qui est dangereux : il n’augure rien de bon.
Il faut substituer à cette vison erronée de l’école l’esprit d’un système éducatif plus attractif. Ce dernier, à travers une vie scolaire plus dynamique animée par des personnes intègres, est une solution à ces congés qui font l’apologie de la rébellion et du désordre.
Il s’agit d’abord de profiter de l’effervescence de l’approche des fêtes pour réaliser des journées ludiques, culturelles et sportives dans les établissements scolaires sur l’ensemble du territoire national. Comme par le passé avec par exemple les tournois organisés par l’office ivoirien des sports scolaires et universitaires (OISSU). L’initiative canalise les énergies des jeunes gens et les met à profit. Elle favorise leur épanouissement à l’école. Elle leur permet en outre dans une plus large perspective, de se réaliser socialement. Elle met surtout les adolescents au service de leur pays car des talents sont découverts grâce ce projet comme à l’époque avec les tournois organisés par l’OISSU et les manifestations culturelles. L’ancien footballeur professionnel Bakayoko Ibrahima, et l’artiste chanteur François Kency, produits de ses manifestations sportives et culturelles, en sont les exemples.
L’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) devrait même mettre la puce à l’oreille des décideurs de l’école en Côte d’Ivoire. Les NTIC sont en effet de l’époque des élèves d’aujourd’hui. Non seulement des innovations qui prennent en compte les NTIC doivent être opérées à l’école, (cela rendrait l’école plus captivante pour les jeunes). Mais de simples projets de recherche dans le domaine doivent être confiés aux élèves. Ils en ont les capacités intellectuelles, c’est de leur temps. L’approche des congés pourrait être un moment propice pour lancer ces projets, les présenter, et récompenser les apprentis chercheurs. Le tout sous la supervision des organismes publiques pour éviter une privatisation sournoise de la vie scolaire ou son accaparement par des individus.
La réinstauration des internats dans les établissements scolaires publics s’impose également. Abandonnés depuis des décennies à cause des restrictions budgétaires du fait des plans d’ajustement structurel (PAS), (plans qui n’ont fait que détruire les acquis des lendemains des indépendances), les internats étaient un réel avantage. Ils garantissaient le gîte, le couvert et la sécurité pour les élèves les plus démunis (provenant généralement des villages).
Ils étaient par ailleurs des lieux de formation intellectuelle, humaine, sociale et sociétale. Leur réinstauration ainsi que l’attribution de plus de bourses d’études aux élèves, inciteront ces derniers à l’excellence. Elles les inciteront donc à s’adonner au travail pour intégrer les uns et obtenir les autres. Les internats et les bourses créeront donc de l’engouement et du respect pour l’école de la part des enfants. Ceux-ci seront préservés de la débrouille et de la vadrouille pour se prendre en charge. Ils n’auront donc plus aucune occasion de se révolter.
Les parents ne sont pas en reste : internats et bourses sont respectivement des moyens pour mieux encadrer leurs enfants et réduire leurs dépenses. Finalement c’est le pays qui gagne avec la réinstauration des internats, des bourses d’études et même des cantines à l’école. L’environnement scolaire étant plus responsable, il devient plus sain.
Il y a tellement de belles reformes pratiques à réaliser ou à réactualiser pour ressusciter l’école ivoirienne. Et ce ne sont pas les moyens financiers qui manquent. La bonne santé économique de la Côte d’Ivoire, le gouvernement pléthorique, les institutions inutiles (vice-présidence, Sénat, etc.) et les sommes colossales qui sont détournées par le directeurs d’organismes publiques, impunément malheureusement, en sont les preuves.
Et pourtant, lorsque l’on considère que les élèves ivoiriens tiennent l’esprit du congé anticipé de leurs dirigeants, l’école ne pourra redorer son blason qu’avec de nouveaux gouvernants, sinon avec un nouvel esprit. L’esprit de rébellion, de clientélismes, de promotion de la médiocrité, d’immoralité, de raccourci à l’enrichissement ou à l’accession au pouvoir ont suffisamment formé de microbes, d’imposteurs, de rebelles et de bandits à col blanc, pour que l’on ne prenne pas conscience que des changements s’imposent. Comparaison n’est certes pas raison, mais le Sénégal, remarquable pour le moment par ses stabilités politique et scolaire, est la confirmation des efforts moraux que la Côte d’Ivoire doit réaliser pour préserver l’éducation nationale.
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