Les commentaires vont bon train dans les langues officielles sur les émotions et les passions que suscitent les jeux et sur les excellentes performances qui tombent les unes après les autres. Le nouchi, cet argot ivoirien, n’est pas non plus en reste, il a aussi son mot à dire, à travers ses locuteurs, sur les contours de la compétition, comme aussi sur les épreuves sportives à proprement parlé.
Le nouchi et les contours des JO Paris 2024
Tout d’abord « les jeux ». Il n’y a pas de termes nouchi à proprement parlé qui renvoie au mot « jeux ». Néanmoins, le terme français « amusement », sensiblement transformé en nouchi donne une expression qui évoque clairement les jeux. Il s’agit de « Samusement ».
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Samusement évoque le jeu d’une part dans sa nature ludique, du genre : le plus important c’est de participer. Il en fait allusion d’autre part dans son aspect beaucoup plus sérieux, avec obligation de résultat, du genre : « Ya pas samusement dans amusement », à l’image de ce que dit le proverbe baoulé (Peuple et groupe ethnique de la Côte d’Ivoire) : « On ne joue pas dans l’amusement » (Bé kan man n’gowa n’gowa nou »).
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En clair, les deux expressions, celle du baoulé qui a inspiré l’autre du nouchi, disent que toute entreprise, même dans le but de se distraire, nécessite du sérieux. Cela s’explique par le fait qu’il en va, non seulement de l’honorabilité des joueurs, mais il s’agit aussi de montrer du respect pour l’assistance.
Cependant, par-dessus tout, il est question d’éviter toute surprise désagréable, car de n’gowa (le jeu) à n’goni (la bagarre), il n’y a qu’un pas. La passion produite par le jeu, si elle est sous l’emprise des émotions démesurée ou si elle n’est pas contrôlée, peut faire basculer le divertissement vers la bagarre. Et bonjour le déferlement de tension et de passion.
Le Baoulé a compris le lien imprévisible (la passion) entre les deux réalités (jeu et bagarre), avec ces deux termes – n’gowa et n’goni. Ils sont opposés dans le sens certes, mais ils ne sont pas aussi loin l’un de l’autre au niveau du son. En parlant de lien déroutant entre deux réalités a priori opposées, on peut revenir aux Jeux olympiques. Malgré le spectacle enlevé et haut en couleur de la cérémonie d’ouverture, celle-ci a tout de même créé ramba, notamment avec la parodie de la Cène du Seigneur par des comédiens.
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Ramba…, d’abord, il faut rappeler que le nouchi fait volontiers l’économie des articles, comme les langues locales en Côte d’Ivoire, qui ne comportent pas d’articles. Ramba renvoie donc aux troubles, aux problèmes, aux différents, aux querelles, comme celles en somme qu’il y a eu entre les milieux chrétiens et les comédiens qui ont tourné l’institution de l’Eucharistie par Jésus en dérision. A ce niveau, c’était vraiment soyé, entendez par là compromettant, pour la France, dont certains politiques clament pourtant haut et fort que leur pays à des racines chrétiennes. Les comédiens dont les projets étaient clairement visibles, la provocation et l’offense, ont simplement zahé, ils n’ont pas été fairplay.
Le cœur des chrétiens, des croyants en général, était simplement « gâté » à la vue de cette scène, et d’autres encore, qu’ils ont jugé obscènes, provocatrices et scandaleuses. D’un autre côté, pour ceux que cette représentation n’agaçait pas, c’était gâté à Paris ce 26 juillet avec l’ouverture des jeux.
Le cœur gâté renvoie simplement à l’indignation, voire à la colère que l’on peut ressentir, à la suite d’une provocation par exemple. En revanche, quand c’est gâté à ou quelque part, cela exprime simplement l’état de joie et d’admiration dans lequel sont transportés les gens, au point de verser dans des excès. Et il y avait de quoi, avec une inédite cérémonie d’ouverture éclatée, à l’extérieur (en dehors d’un stade), notamment le magnifique défilé des délégations sur la seine, les tout aussi fabuleux jeux de lumière et les excellentes prestations de Céline Dion, d’Aya Nakamura et autres artistes. Sur ce plan par contre les organisateurs et les artistes ont simplement dja la foule, ils ont fait l’unanimité sur leur talent. Les Jeux olympiques, c’est aussi et surtout les épreuves sportives, elles sont du pain béni pour le nouchi.
Le nouchi et les épreuves sportives au JO de Paris
Le nouchi offre un florilège d’expressions sur le plan des jeux. A ce niveau, devant les performances exceptionnelles de la gymnaste américaine Simone Biles, naturelle, agile, appliquée, audacieuse, innovante et talentueuse, le nouchi dit simplement que : « Simone Biles a tué ». Un nouchi plus puriste dirait que : « Simone Biles a teuh », elle été exceptionnelle. En d’autre termes : « Ya pas l’homme pour Simone Biles », elle est clairement au-dessus du lot, dans son domaine, et même comme athlète pourquoi pas.
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Le tireur au pistolet, le turc Yusuf Dikeç, est simplement un ziguéhi. Le ziguéhi est un audacieux, quelqu’un qui a du cran. A l’origine, ziguéhi renvoie au loubard. Les allusions faites au sujet du sportif turc sur les réseaux sociaux, juste pour plaisanter, font vraiment de lui un vrai ziguéhi !
Les allusions : il serait un tueur à gage, parce que bien que s’étant passé des équipements prévus par sa discipline (lentille de précision et casque de protection auditive), il a tout de même obtenu la médaille d’argent, avec en plus une main dans la poche pendant son tir. Le turc Yusuf Dikec est encore une fois tout simplement un ziguéhi ; un vrai, pas un plai-en-tin. C’est un dan-e-ré, littéralement un dangereux, pas parce qu’il est nuisible, c’est à quoi pourrait faire penser la discipline pour laquelle il a opté et son talent, mais c’est un dan-é-ré parce qu’il inspire en raison de sa performance exceptionnelle qui valorise les facultés naturelles humaines.
Ce ne sont pas les sacs (les athlètes aux mauvaises performances, pour être poli), qui diront le contraire. Ces … (bon, on se lâche) ces forts dans vaurien, sont simplement Fanta Diallo, ils sont fan, eux qui sont venus accompagnés les autres, ou qui ne sont présents aux JO que pour faire gonfler la liste des participants aux jeux.
Le Français Léo Marchand, qui pourrait être identifié à un marchand de rêve pour avoir raflé cinq médailles dans les épreuves de natation, avec, cerise sur le gâteau, quatre records olympiques, est également dan-é-ré. En nouchi, on dirait aussi que : « Mogo là était rouge », entendez par : « Le monsieur était dans une forme exceptionnelle ». Il a tout simplement montré à ses adversaire qu’il a mis l’eau dans coco, ou si on veut, qu’il a purement fait leur sauce ; il les a battus sans concession.
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Quant aux athlètes ivoiriennes, elles ont tout simplement tapé poteau, elles ont été contre performantes. Marie-Josée Ta Lou a même été baïluckée (malchanceuse) en se blessant lors des épreuves du 100 m femme. Le baï (la malchance) a même contaminé le relais ivoirien 4×100 femme. Bien que 4e dans leur série, les filles ont été gbin (disqualifiée) de l’épreuve, pour avoir zahé (échoué) dans la transmission du témoin entre la 3e relayeuse Maboundou Koné et la 4e Marie-Josée Ta Lou. Une médaille ivoirienne lors de ces jeux, pour le moment c’est pas affaire – c’est hypothétique. On espère que les Taekwondoin Cheick Cissé et Ruth Gbagbi vont tuer.
L’aisance du nouchi à rapporter les contours et le déroulé des épreuves des JO traduisent simplement l’universalité des jeux et du sport en général. Boro d’enjaillement (beaucoup de plaisir) en tout cas aux participants, comme également aux spectateurs et téléspectateurs.
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