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Côte d’Ivoire : Monseigneur Paul-Siméon Ahouanan Djro, reposez en paix et ne manquez pas de prier pour nous

Cathédrale Sainte Thérèse de l’enfant Jésus de Bouaké, Vendredi 22 mars 2024 ; il est 9 h passé de plus d’un quart d’heure environs. Dans quelques instants débutera la messe de requiem de Monseigneur Paul-Siméon Ahouanan Djro, encore archevêque métropolitain de Bouaké, jusqu’au 12 février dernier.

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Messe pour la paix à la Cathédrale Sainte Thérèse de l’enfant Jésus de Bouaké
Monseigneur Paul-Siméon Ahouanan Djro. Crédit Photo Archevêché de Bouaké

Les bâches sur l’esplanade de l’église, sur ses contours et l’intérieur de la bâtisse sont pleins de monde. Membres du clergé, religieux et religieuses, serviteurs de Dieu, autorités politiques, administratives, militaires, coutumières, fidèles catholiques, ou de simples habitants de Bouaké sont venus dire l’adieu au premier pasteur de l’Église catholique de la Région du Gbêkê et de l’Ifou il y a un peu plus d’un mois encore.

Crédit Photo : Archevêché de Bouaké

Mais avant la procession du cortège du célébrant qui ouvrira la célébration, Mgr Paul-Siméon Ahouanan Djro est fait, à titre posthume, chevalier de l’ordre du mérite national, par le ministre des transports, par ailleurs Maire de Bouaké, pour ses actions en faveur de la paix en Côte d’Ivoire.  

Crédit Photo Archevêché de Bouaké

L’assemblée composite traduit les différents engagements de Mgr Ahouanan sur les plans politique, religieux et social sans que ceux-ci soient en contradiction les uns avec les autres. Trois engagements dans le même esprit, dans la même vision, à l’image de la sainte trinité. Des devoirs que ne manqueront pas de rappeler les différents intervenants lors de la messe de requiem. 

Les engagements politique religieux et social de Mgr Ahouanan

Sur le plan politique dans un premier temps, Mgr Ahouanan Djro, alors évêque de Yamoussoukro s’était d’abord illustré par le discours de vérité qu’il avait tenu au général Robert Guéï lors d’une messe à la basilique Notre Dame de la paix en 2000. Il avait clairement exhorté le chef d’État de Côte d’Ivoire de l’époque issu d’un coup d’État militaire à ne pas se présenter à l’élection présidentiel de 2000, tout en le mettant en garde contre les manipulations d’un entourage intéressé et opportuniste. Ensuite, au déclenchement de la rébellion armée de 2002, Mgr Ahouanan, sur invitation de Mgr Vital Komenan Yao, de vénéré mémoire, alors évêque de Bouaké, mais souffrant, avait à l’époque au heures chaudes de la crise, en 2006, célébré, une messe en la Cathédrale Sainte Thérèse de l’enfant de Jésus de Bouaké, Bouaké peu fréquentable, alors capitale de la rébellion armée. Là encore, selon les témoignages, il avait courageusement exhorté les rebelles à quitter les domiciles de civil qu’ils occupaient et à restituer leurs biens. Cet engagement lui a enfin certainement valu d’être désigné par le chef de l’État à la tête de la commission nationale de réconciliation et d’indemnisation des victimes (CONARIV) de 2015 à 2019.

Au plan religieux, sous l’épiscopat de Mgr Ahouanan l’archidiocèse de Bouaké connaît une augmentation des vocations, avec par exemple l’ordination de douze prêtres en 2023, un record pour l’archidiocèse de Bouaké, et la création de nouvelles paroisses.

Sous son épiscopat, l’archidiocèse de Bouaké a des années durant été en synode pour une nouvelle évangélisation. L’une des marques de Mgr Ahouanan au plan religieux est sans contexte la gestion synodale des paroisses de son archidiocèse depuis quelques années, avec notamment une plus grande implication des laïcs dans la gestion des affaires économiques des paroisses au côté des prêtres qui eux ne s’occupent que de spiritualité.

Au plan social, la famille occupait une place de choix dans le cœur de Mgr Ahouanan si bien que le thème de l’année pastoral depuis quelques années porte sur la famille : « Famille chrétienne : lieu d’évangélisation, d’amour et de partage. »

Mgr Ahouanan est même allé plus loin en créant dans son archidiocèse une aumônerie de la famille et un secrétariat exécutif de la pastorale de la famille. En homme visionnaire et méthodique, il avait à cet effet envoyé un de ses prêtre aux études en Italie et ce dernier y a obtenu un doctorat dans ce domaine.

Monseigneur Paul Siméon Ahouanan Djro (au centre ) entouré de participants au colloque sur la dot dans l’archidiocèse de Bouaké, Crédit photo : Koffi N’guessan Jean Christ

Le secrétariat exécutif de la pastorale de la famille, justement, sur initiative de Mgr Ahouanan a en janvier 2023 organisé un colloque sur la dot dans l’archidiocèse de Bouaké. Il avait pour objectif de trouver des solutions aux difficultés que causait la dot aux mariages dans la région. Monseigneur Ahouanan, à partir de l’expérience de sa région d’origine, le peuple atchan, avait à l’époque proposé une harmonisation du prix de la dot, qui de plus ne devait pas être exorbitant pour ne pas donner l’impression de vendre les jeunes femmes et de dépouiller les prétendants. Ce projet reste malheureusement inachevé avec le rappel à Dieu de son initiateur, Monseigneur Paul-Siméon Ahouanan Djro.

L’espoir n’est toutefois pas perdu malgré la disparition de Mgr Ahouanan. Selon les différents intervenants lors de sa messe de requiem, le défunt archevêque laisse non seulement un héritage considérable sur plusieurs plans, mais l’on peut également compter sur ses prières.

Les allocutions

Le président de la célébration d’abord, par ailleurs président de la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire, Mgr Marcellin Yao Kouadio, dans son allocution finale, se souvient de l’homme de vérité qu’a été Mgr Ahouanan. Comme pour rassurer les fidèles de Bouaké de l’assistance de leur défunt pasteur par ses prières en leur faveur auprès du Père qui l’a rappelé auprès de lui, il rappelle que pour le croyant : « La vie n’est pas terminée, mais transformée ».

Mgr Boniface Ziri, dans son homélie s’émeut de l’homme de vie que fut son ancien homologue qui a vécu pleinement la spiritualité des franciscains, communauté religieuse à laquelle il appartenait, spiritualité fondé sur la vie pour l’autre.

L’ordre des franciscains, justement, par son porte-parole, se souvient d’un confrère aux enseignement simples, d’un pasteur de la joie qui aimait se retrouver avec ses frères, qui émettait même le désir d’aller se reposer à sa retraite dans sa maison communautaire avec ses frères, à Yamoussoukro.

Le porte-parole des franciscains ne manque surtout pas de saluer l’apôtre de la réconciliation et de la paix que fut Mgr Paul-Siméon Ahouanan Djro. Ce dernier dirigea de 2015 à 2019 la CONARIV (Commission nationale de réconciliation et d’indemnisation des victimes). Il était aussi un rassembleur qui a favorisé la rencontre des confessions religieuses dans l’archidiocèse de Bouaké, en créant le forum des confessions religieuses (à laquelle il a offert un bureau sur le site de sa cathédrale).

Des membres du forum des religions dans l’archidiocèse de Bouaké. Crédit Photo Archevêché de Bouaké

Dans cette même veine, le cardinal Jean-Pierre Koutwan, après avoir débuté son intervention par un chant d’action de grâce au Seigneur pour la vie de son « frère Siméon », remercie ce dernier pour le « testament laissé », testament en référence à son vécu pour et avec ses frères et sœurs dans la dignité, l’égalité ainsi que dans l’amour et l’estime pour les pauvres piétinés et méprisés. Il lui demande même, lui qui a la primeur de voir et d’entendre ce que le commun des mortels ne voit, ni n’entend encore … il lui demande donc d’intercéder auprès du Père pour que l’on reconnaisse vraiment en l’autre un frère à qui l’on doit respect, amour et vérité. Il termine en adressant, au défunt qui s’est donné corps et âme pour la réconciliation, une demande, celle de prier encore plus le Père pour la Côte d’Ivoire, pour que celle-ci « vive une véritable réconciliation dans l’amour, la vérité et la joie ».

Mgr Alexis Touably Youlo, président de la Conférence des Évêques catholiques d’Afrique de l’Ouest, remercie Dieu d’avoir donné Mgr Ahouanan à son peuple, un « homme bon selon le cœur de Dieu ». Ses remerciements vont aussi au peuple Ebrié, peuple de Côte d’Ivoire auquel appartenait Mgr Ahouanan Djro, et à la famille biologique de celui-ci. Il les remercie d’avoir donné un homme utile à l’Église catholique et à la nation ivoirienne. Il témoigne aussi sa reconnaissance au peuple de Dieu du diocèse de Yamoussoukro où Mgr Ahouanan fit ses premier pas d’évêque (de 1996 à 2006). Il fait une mention particulière au peuple de Dieu de l’archidiocèse de Bouaké qu’il remercie d’avoir accueilli Mgr Ahouanan et d’avoir marché avec lui sur le chemin de la sainteté. La reconnaissance de Mgr Toualy est aussi pour la famille religieuse du défunt archevêque, les franciscains.

Chef Ebrié : Crédit Photo Archevêché de Bouaké

L’évêque du diocèse d’Agoville témoigne enfin toute sa gratitude à Mgr Ahouanan Djro lui-même, au nom de la conférence des évêques catholiques d’Afrique de l’ouest pour la leçon de vie qu’il fut, lui qui a été comme « un phare » pour le peuple de Dieu à cause de la joie permanente qu’il dégageait. Le président de la conférence des évêques catholiques d’Afrique de l’ouest termine son allocution en confiant clairement une mission à Monseigneur Ahouanan Djro, celle de prier pour l’Eglise catholique en Afrique de l’ouest, pour les pays d’Afrique de l’ouest : « Que Dieu ouvre le chemin pour les peuples d’Afrique de l’ouest au développement à visage humain ».

Le nonce apostolique, Mgr Mauricio Rueda Beltz, quant à lui, transmet les condoléances du Saint-Père aux familles religieuses de l’illustre disparu, à ses anciens fidèles et à la Côte d’Ivoire.

Crédit Photo Archevêché de Bouaké

Monseigneur Jacques Assonvo Ahiwa, anciennement évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Bouaké, désormais administrateur apostolique dudit archidiocèse, termine la phase des allocutions en adressant ses condoléances à la famille biologique du défunt, à la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire, au nonce apostolique, au peuple de Dieu de l’archidiocèse de Bouaké.

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Il adresse un yako (condoléances) particulier aux chefs coutumiers et traditionnels de la région qui avaient œuvré aux côtés du défunt archevêque pour que règne la paix dans la région aux heures chaudes des crises politico-militaires en Côte d’Ivoire, non sans avoir auparavant remercié toutes les entités physiques et morales qui ont contribué à l’organisation des obsèques de Mgr Ahouanan, en particulier le chef de l’État, pour ses dons et qui s’est pour l’occasion fait représenter par son premier ministre et une forte délégation de membres du gouvernement. 

« Que Paul-Siméon Ahouanan Djro repose dans le sabbat éternel du septième jour de la création, sans matin ni soir, à l’ombre de Sainte de Thérèse de l’enfant Jésus où il a voulu être déposé », conclut Mgr Jacques Assonvo Ahiwa, avant les rites funéraires finaux et l’inhumation du défunt.

Crédit Photo Archevêché de Bouaké

Mgr Paul-Siméon Ahouanan Djro repose désormais dans sa cathédrale, sur l’aile droite, sous le regard de Sainte Thérèse de l’enfant Jésus. Il est aux côtés de son prédécesseur Mgr Vital Komenan Yao, de vénéré mémoire, qui, lui, dort paisiblement sur l’aile gauche, au pieds de la Vierge, depuis 2006.

Crédit Photo Archevêché de Bouaké

Requiescat in pace, Monseigneur Paul-Siméon Ahouanan Djro ! 

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revedehaut

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