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Reforme de la loi sur la filiation en Côte d’Ivoire : et si on élevait le niveau du débat

En plus de  « l’intérêt supérieur de l’enfant né hors mariage », les autorités expliquent les reformes sur la filiation par  certaines exigences de la société ivoirienne actuelle et le souci de  se conformer à « ce qui se fait ailleurs  dans le monde dans ce domaine ». Ces justificatifs, qui ne sont pas de plus appuyés d’exemples concrets, ne sauraient à eux seuls expliquer ces modifications. Ils comportent non seulement des  limites, mais la reforme en elle-même n’a pas été élaborée  dans l’esprit  dans lequel elle est supposée se faire ; c’est-à-dire les renforcements, d’abord de l’égalité homme-femme et ensuite de la protection de l’ordre public. Une élévation du niveau du débat sur cette reforme pour éviter d’en faire une triste aventure s’impose. La discussion empêchera ainsi l’inégalité et l’injustice dans le couple,  renforcera le rôle de l’institution  judiciaire et mettra les personnes en face de leur responsabilité.

Groupe d’enfants africains. CC Pixabay.com

1- Inégalité homme-femme et injustices

Corrigeant une injustice vis-à-vis de l’homme, le  nouveau texte prévoit que  « le mari peut, désormais, désavouer l’enfant né dans le mariage s’il prouve qu’il ne peut en être le père. Cela, en se fondant sur les données acquises de la science médicale ». Parallèlement l’homme peut reconnaître son enfant né de son « commerce adultérin », non plus après le consentement de son épouse légitime, mais  après une simple notification de celle-ci par un acte d’un commissaire de justice (un huissier). Ces nouvelles lois comportent des injustices et des inégalités. Elles  vont à l’encontre de l’esprit de renforcement de l’égalité entre l’homme et la femme dans le mariage, qui, selon le gouvernement, aurait motivé ces innovations.

Pourquoi en effet l’enfant de l’épouse dont l’époux doute de la paternité devrait subir des textes ADN qui prouvent qu’il en est le père avant de le reconnaître, alors que ce n’est pas le cas pour l’enfant né d’un « commerce adultérin » de l’homme ?

Autant est reconnu à l’époux le droit de douter de sa paternité, autant l’épouse devrait également pouvoir remettre en question la paternité de son époux au sujet d’un enfant née en dehors du cadre familial légale. La justice voudrait que des tests ADN  soit valables dans les deux cas pour mettre toutes les parties en présence en face de leur responsabilité. Cela, en vue d’une réelle protection de la famille ; de  l’enfant adultérin aussi qui, malgré tout, est un être humain.

2- Respecter la fonction judiciaire

– Ne pas abuser de la justice

L’homme pourrait reconnaitre l’enfant né de son commerce adultérin, comme le souhaite la reforme, après une simple notification de l’épouse légitime par une commissaire de justice.  Mais, l’action de l’huissier dans ce processus ne doit pas constituer d’une part  l’illusion du respect de l’époux infidèle pour son épouse et d’autre part une banalisation de cette fonction judiciaire. Son action se limite en effet uniquement à une notification de la femme, rien de plus. L’on abuse ainsi des services d’un agent de la Justice pour imposer à la femme la traitrise de son époux.

– Le commissaire de Justice doit être au service de la Justice

Le rôle du commissaire de justice dans le processus de reconnaissance de l’enfant adultérin doit être réel et impartial. Son action doit en effet consister à s’assurer de la paternité du père infidèle après réalisation de tests ADN (réalisés aux frais de ce dernier) le prouvant. Si c’est avéré qu’il est le père  de l’enfant né hors mariage comme il s’en réclame, l’huissier devrait alors veiller au  dédommagement de l’épouse par l’époux adultère pour le préjudice morale et psychologique subi. Ces mesures se justifient par le fait qu’au mariage l’homme et la femme se sont juré fidélité et respect. De plus, ces compensations qui ne sont pas nouvelles[1] devraient apaiser la femme. Elle est  non seulement meurtrie par la traitrise de son époux, mais ses enfants nés dans le mariage auront, selon la reforme sur la filiation,  les mêmes droits que l’enfant né de la tricherie de cet époux. Ces règles, dans le fond, sécurisent véritablement le mariage et au-delà l’intérêt supérieur de la famille, première cellule sociale.

3- La responsabilité en vue de la quiétude sociale

–  Mettre le conjoint adultère devant ses responsabilités

L’époux adultère pourrait être tenté de fuir ses responsabilités vis-à-vis de l’enfant né hors mariage en ne le reconnaissant pas par exemple. À ce niveau les tests ADN, réalisés aux frais de l’éventuelle plaignante, son amante, devraient clore le débat et le mettre devant ses obligations vis-à-vis de son enfant adultérin, s’il est prouvé qu’il en est le père. Si c’est le cas, il devra rembourser, à sa maîtresse, une partie  du coût des tests.

L’homme peut aussi  évidemment faire jouer sa liberté en demandant le divorce.  L’épouse aussi d’ailleurs. Dans ce cas, la loi devra garantir une protection totale à l’épouse en sommant l’époux fautif d’assurer  les ressources nécessaires pour l’entretien de  son ancienne conjointe et leurs enfants. Cela, pour l’équilibre de cette famille désormais monoparentale.  Le mari et son épouse étant traditionnellement des partenaires sociaux en Afrique, cette digne assistance devrait symboliquement combler la défection de l’époux.

Pour la gouverne du gouvernement ivoirien, prompt à copier ce qui se fait partout, ces mesures s’appliquent  aussi ailleurs,  notamment dans les États civilisés à travers le monde.

Ne pas faire de l’adultère un délit ne signifie pas l’institutionnaliser

Ces  mesures semblent sévères certes, mais tout est en fait une question de responsabilité, de justice et de bon sens.  Il s’agit de mettre des adultes  en face de leur Responsabilité. Tous ont en effet une obligation de contribution à l’ordre sociale et public.  Et un des obstacles à cette quiétude est indéniablement l’abandon des enfants à la seule charge d’une ancienne épouse. Il y a aussi, en plus des limites de l’assistance sociale, l’incapacité du père de famille nombreuse à assurer ses devoirs de protection  et d’éducation envers ses enfants. Il faut préciser que ces familles trop nombreuses sont le résultat de la polygamie sournoise. Celle-ci résiste au temps, à travers des mariages coutumiers et religieux, sous prétexte que l’adultère n’est pas un délit.  Il n’est pas un crime certes, mais il ne faut pas le banaliser puisqu’il constitue une cause de divorce, de drames et de désordres sociaux

L’adultère  peut simplement être   rendue coûteux, à travers toutes les mesures précédemment évoquées. Cela, pour épargner la société de tous les drames et hontes qui lui sont liés. Non seulement  il ne sera plus à la portée de tous, mais les personnes qui le pratiqueront sauront surtout ce à quoi s’attendre. Les victimes auront également de quoi apaiser leur cœur. Autant de situations qui, au moins, dissuadent  d’être infidèle.

Des hommes seraient même tentés de ne pas se marier officiellement pour jouir d’une certaine liberté matrimoniale. Mais divers avantages sociaux, fiscaux et même financiers accordés aux couples mariés légalement  devraient faire réfléchir ces mâles à deux fois avant de s’engager dans un tel égarement. La sanction en outre de pères incapables de s’occuper d’une progéniture trop nombreuse devrait davantage les dissuader à donner libre cours à leurs pulsions.

En somme, la reforme sur la filiation en Côte d’Ivoire sera salutaire si  elle est vraiment réalisée dans un esprit de Justice. Mais elle le sera surtout en prenant effectivement en compte l’intérêt supérieur de l’institution familiale, première cellule sociale. Dès lors, l’ordre public suivra naturellement, en attendant que les injustices au niveau de la pension de la défunte femme fonctionnaire[2] soient corrigées, pour une véritable égalité homme-femme dans le mariage.

 

[1] En cas de fautes de l’homme vis-à-vis de son épouse, la tradition et le bon  sens aussi d’ailleurs, veut qu’il lui fasse des cadeaux pour l’apaiser.

[2] Le veuf devrait en bénéficier pour l’entretien de la famille, comme cela s’applique également pour la veuve.

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Auteur·e

revedehaut

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