Crédit:

Le Think Tank Label causes Afrique organisent des discussions sur les nouvelles lois ivoiriennes relatives au mariage, à la filiation, à la minorité et à la succession

Le samedi 2 novembre dernier, à l’hôtel la Rose blanche d’Angré, dans la commune de Cocody, le Think Tank Label Causes Afrique (LCA) a organisé une table ronde sur le thème : les nouvelles lois ivoiriennes sur le mariage, la filiation, la minorité et  la succession. Avancée ou recul pour les droits de la femme et de l’enfant ? Il a à cet effet invité trois panélistes qui étaient emmené à se prononcer sur la question. Des représentants des ministères de l’éducation nationale, de la Solidarité, de la famille, de la femme et de l’enfant, ainsi que du sénat ivoirien étaient présents à ce débat.

Des participants aux discussions organisées par le think tank Label Causes Afrique.
Des participants aux discussions organisées par le think tank Label Causes Afrique. Crédit photo LCA

D’entrée de jeu, et après son mot de bienvenue, l’initiatrice du ThinkTank et également présidente de  LCA, Mme Djénéba Bénédicte Kouassi Dosso, a planté  le décor en rappelant les conditions dans lesquelles ces nouvelles lois ont été votées et les stratégies de communication employées par le gouvernement.  Entre autres, leur adoption par seulement 24 députés sur les 42 membres de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles (CAGI) de l’Assemblée Nationale et ce en l’absence de plus de la moitié des membres (partisan de l’opposition).

l- L’analyse des intervenants principaux

Le premier panéliste, Mr Koffi N’guessan, blogueur, a invité à ne pas aborder la question de ces innovations sur le plan d’avancées ou de recul pour la femme ou l’enfant. Le faire, c’est en effet selon lui non seulement tomber dans le piège de l’exclusion (de l’homme notamment), mais c’est aussi limiter les perspectives que peuvent offrir de réelles reformes.

Mais il  faut plutôt, toujours  selon le panéliste, en considérant l’intérêt supérieur de la société ivoirienne, se poser la question de savoir si les changements au niveau de ces lois sont une avancée ou un recul pour celle-ci.

Sur ce point de vue, la reforme sur la filiation est une évolution, car elle formalise automatiquement le droit à l’enfant adultérin d’avoir une identité, conformément  aux Conventions sur l’apatridie de 1954 et 1961 auxquelles a adhéré par la Côte d’Ivoire en 2013. L’avis de l’épouse légitime n’est plus nécessaire à cette reconnaissance, cependant celle-ci doit être notifiée par un commissaire de Justice, sans quoi cette reconnaissance est nulle.

Toutefois, selon Mr Koffi N’guessan, le processus de reconnaissance de l’enfant adultérin de l’époux est en contradiction avec l’esprit de l’égalité homme-femme dans le mariage.  Le fait que l’épouse légitime est simplement informée d’un enfant adultérin par le commissaire de justice, sans qu’elle ait son avis à donner, c’est proclamer la suprématie de l’homme sur la femme dans l’union matrimoniale et pérenniser l’inégalité.

Il aurait fallu, pour Mr Koffi N’guessan, prévoir des mesures d’accompagnement, sur la base d’une large concertation et des études sur la question. Mais, non seulement il n’y a pas eu de consultation, aucune étude n’est non plus venue  motiver davantage la reforme sur la filiation six ans après la ratification de la convention qui la justifie, selon le gouvernement.

L’intervention de l’huissier dans le processus de reconnaissance de l’enfant né hors mariage sur demande unilatérale de l’époux pérennise, toujours selon le panéliste, non seulement le pouvoir de l’homme sur la femme, mais cela légalise sournoisement l’adultère qui, faut-il le rappeler, reste un motif de divorce. La nouvelle législation accorde aussi, une caution inavouée à la polygamie, qui elle, demeure illégale vis-à-vis de la loi. Au total, c’est le fondement de la famille, première cellule sociale, que les limites de cette reforme viennent menacer.

L’injustice est encore visible, selon l’intervenant, lorsque pour reconnaitre l’enfant de son épouse dont il doute de la paternité, l’époux peut recourir à des tests ADN qui prouvent qu’il en est le père alors que parallèlement il est simplement notifié à la femme de l’existence d’un enfant adultérin de l’homme.

Selon le panéliste, la justice aurait commandé que des tests ADN soit valables dans les deux cas, en référence à l’esprit d’égalité homme-femme dans le mariage. Même si cette infidélité est une raison pour l’épouse de demander le divorce, celle-ci devrait, selon Mr Koffi, pouvoir avant tout, remettre en question la paternité de son époux au sujet d’un enfant née en dehors du cadre familial légal. Cette position se justifie en outre, selon lui, par le fait que les innovations     elles-mêmes bannissent la notion de « puissance paternelle » dans le mariage au profit du concept  « d’autorité parentale » qui instaure l’égalité entre le mari et la femme dans la gestion morale et matérielle de la famille.

La deuxième panéliste, Maître Audrey Elloh, avocate au Barreau d’Abidjan, a noté de réelles évolutions au niveau de la nouvelle loi relatives aux  successions sur  la préservation des droits des femmes. Auparavant  exclue de la succession, l’épouse a en effet désormais, selon la reforme, droit au quart de celle-ci, si elle est toujours légalement marié au défunt au décès de celui-ci. Le reste étant réparti entre les enfants du défunt.

La panéliste a toutefois relevé des limites, notamment le cas des concubines, ces femmes qui vivent avec des hommes sans être encore mariées avant la mort de ces derniers. La loi sur la succession ne les prend pas en compte au décès de leur compagnon alors que beaucoup d’unions sont scellées aux travers uniquement de cérémonies traditionnelles et religieuses.

Le troisième panéliste, M. Yao Brou, étudiant en Licence 3 Droit Public, a fourni quelques éléments de comparaison de certaines de ces dispositions avec des législations étrangères, notamment avec le droit français dont s’inspire le droit ivoirien. Il a cet effet relevé la possibilité que les droits de ces deux pays offrent à l’époux de ne pas reconnaître l’enfant de son épouse s’il est en mesure de prouver son incapacité physique à en être le père pendant un temps déterminé.

À la différence cependant du droit français, le droit ivoirien offre désormais la possibilité à l’homme de pas reconnaître un enfant de son épouse s’il peut prouver à partir de test ADN ne pas en être le père. Le panéliste a aussi rappelé dans le même temps que la reconnaissance automatique d’un enfant adultérin par l’homme donne l’impression d’une légalisation pernicieuse de l’adultère.

2- Des évolutions notables

D’autres évolutions positives ont été rappelées dans les discussions, notamment la protection des mineur(e)s, la reforme sur le mariage indique que « l’homme et la femme avant dix-huit ans révolus ne peuvent contracter un mariage ». Il en est de même de l’harmonisation de l’âge de la majorité civile et matrimoniale, tous fixés désormais à dix-huit ans.

Il y a également l’imposition de la publication des bans par voie d’affichage un mois avant la célébration du mariage, au siège de la circonscription de l’état civil du lieu de célébration du mariage et de celui de la résidence de chacun des futurs époux. Cette action aura l’avantage d’éviter des mariages litigieux.

3-Les discussions ont abouti à des propositions

– Notamment au sujet de l’héritage du défunt. Les participants à la discussion proposent la possibilité de le partager entre sa veuve et sa famille biologique au cas où il n’aurait pas de descendants.

– Il faut également, selon les participants, tout en corrigeant les limites de la reforme sur la filiation, notamment la possibilité d’un test ADN pour l’enfant adultérin du père, penser aussi à la prise en charge psychologique de l’enfant né hors mariage.

– En considérant que l’homme et la femme sont des partenaires dans le mariage, qu’ils ont tous les deux contribué à la constitution du patrimoine familial, le partage de l’héritage avec des enfants illégitimes s’avèrent difficile à accepter, selon les participants. Une législation plus claire à ce niveau évitera des conflits dans l’avenir.

– La nécessité de la mise à jour effective et de l’informatisation réelle de l’état civile viendra palier, pour les personnes présentes à ces discussions, aux limites d’une simple publication de bans.

L’initiatrice des discussions a promis de déposer les conclusions de la Table ronde auprès des Institutions pertinentes dont le Sénat ivoirien, (dont deux représentants ont pris part à la table ronde) qui au moment de l’adoption de ces nouvelles lois, n’existait pas.

Partagez

Auteur·e

revedehaut

Commentaires