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Chirac et la Côte d’Ivoire, c’était une question de logique

Jacques Chriac, CC wikipedia.org

La disparition de Jacques Chirac  (Père a son âme)  le 26 septembre a suscité une forte émotion dans le monde, plusieurs réactions également. On s’est aussi souvenu de lui en Côte d’Ivoire où il a eu une forte influence sur la politique, en tant que chef d’État français. Les personnalités politiques ivoiriennes qui étaient dans de bons termes avec lui  se sont ouvertement émus de sa mort. Celles  qui ne  le portent pas dans leur cœur parce qu’ils ont des choses à lui reprocher ont en revanche préféré garder le silence. C’est leur choix, qu’elles peuvent sans doute justifier, mais au fond la relation du  président  Chirac à la Côte d’Ivoire n’a été guidée que par la logique.

La cohabitation Chirac-Jospin et le coup d’État du 24 décembre 1999

Nous nous rappelons le coup d’État en Côte d’Ivoire en 1999 contre Henri Konan Bédié, alors président de la République.  Chirac qui est de la droite et proche du régime ivoirien de l’époque  est en cohabitation avec l’opposition socialiste. Alors qu’il est pour un déploiement de l’armée française dans Abidjan afin de rétablir de l’ordre constitutionnel, Lionel Jospin, le premier ministre socialiste qui détient la majorité au parlement s’y oppose. Parce que Konan Bédié un ami de Chirac ? Par simple rivalité avec le président Chirac ? Ou pour favoriser l’accession au pouvoir de ses camarades socialistes ivoiriens ? Ou pour ne pas s’ingérer dans une affaire ivoiro-ivoirienne ?

Dans tous les cas, ce refus, que les  accords de défense entre la  France et la Côte d’ivoire ne justifiaient pas, acte le putsch et par la même occasion proclame la chute d’un régime démocratiquement élu.

Les opposants ivoiriens de l’époque, dont le rdr (rassemblement des républicains) et les socialistes du fpi (front populaire ivoiriens), s’en réjouissent et ne voient aucun inconvénient à faire parti du gouvernement du chef de la junte  militaire. C’est certainement une aubaine pour ces organisations politiques légalement constituée de se rapprocher de leur objectif d’obtenir le pouvoir d’État.

Mais elles oublient, en particuliers les socialistes ivoiriens qui ont une longue histoire de lutte démocratique dans leur pays, qu’en acceptant de cautionner une action illégale pour la chute d’un régime démocratiquement élu, leur crédibilité est mise en cause. Ils se privent de plus de potentiels soutiens dans l’avenir. Et les socialistes ivoiriens l’apprennent à leur dépends lorsqu’ils sont effectivement au pouvoir.

L’insurrection armée du 19 septembre 2002 et l’indifférence de la France

Le régime de Laurent Gbagbo subit une tentative de coup d’État le 19 septembre 2002 qui se transforme en une rébellion. Entre-temps, Chirac et la droite remporte les élections générales de 2002 et arrivent à exercer pleinement le pouvoir. Le Régime socialiste ivoirien, attaqué, demande l’intervention de la France en raison des accords de défense qui lient la Côte d’Ivoire et l’ancienne puissance coloniale. Le président Chirac refuse logiquement de venir à la rescousse de socialistes ivoiriens qui ne s’étaient pas embarrassé 3 ans auparavant d’acter en intelligence avec leurs amis socialistes français, un accès au pouvoir par coup d’État. Et puis il y a aussi le principe de non ingérence dans un conflit entre ivoiriens, qu’avait déjà invoqué le premier ministre socialiste  à l’époque pour ne pas faire barrage au coup d’état contre Bédié, qu’avance le gouvernement français. En lieu et place d’une intervention française, les socialistes au pouvoir en Côte d’Ivoire ont droit à une force d’interposition qui coupe leurs pays en deux.

Les Forces françaises sécurisent ainsi logiquement les intérêts français dans la partie non occupée du pays après avoir mis à l’abri leur compatriote de la zone rebelle.

Politiciens puérils et sans principes démocratiques     

En vouloir à Chirac au point de ne pas s’incliner devant sa mémoire est la preuve d’une immaturité politique ; c’est même un comportement puéril de ces politiques ivoiriens qui refusent de voir leur propre responsabilité dans le déclin de leur pays : avoir cautionné un coup d’État qui est pour  la Côte d’Ivoire une boîte de pandore. Tous les drames (charniers, tentative de coup d’État, rébellion, guerre civile, conflits interethniques, massacres, détournement et corruption à grande échelle, tribalisme, gabegie, manipulation politique, prédation économique) que le pays connaît par la suite en sont la source logique.

Entre parenthèse : il est intéressant de remarquer la stabilité du Sénégal. Comme la Côte d’Ivoire, ce pays de la sous-région ouest-africaine est, à la fin des années 90, confronté à de réels obstacles à une alternance politique démocratique.  Malgré les épreuves et les difficultés, les opposants de ce pays avec à leur tête Abdoulaye Wade, ne succombent pas aux sirènes des moyens anti-démocratique, ne serait-ce que pour espérer gérer les affaires de l’État.  Ce n’est pas le cas de ceux de la Côte d’Ivoire ; D’où certainement le mépris de Wade, une fois au pouvoir, pour les socialistes ivoiriens avec qui il semblait à couteau tiré alors que chacun gérait son pays de son côté. Laurent Gbagbo même, dans les interviews qu’il accordait, se plaignait de ce dédain, dont il disait ignorer la cause.

Pour revenir au président Chirac, de belles paroles même de personnalité politiques ivoiriennes à sa mémoire ne veulent rien dire si la logique, la loyauté aux principes démocratiques et à ses amis,  la persévérance et l’amour pour son pays et ses compatriotes …. Si tous ces principes  qui l’ont animé ne servent pas de leçons aux politiques de la Côte d’Ivoire. Il n’y a pourtant rien à espérer de ces derniers. L’aigreur des ex gouvernants et l’euphorie du régime actuel emmènent cet agrégat de requins, dauphins, pique-bœufs et autres égoïstes et égocentriques assoiffés du pouvoir à oublier l’essentielle : L’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire.

Le Président Chirac, lui, est décédé en paix chez lui, entouré des ses proches, comme le signe  du devoir accompli dans un esprit de logique, pour le rayonnement de son pays et la dignité de ses compatriotes. Père a votre âme, Monsieur Chirac, vous pouvez reposer en paix.

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Auteur·e

revedehaut

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