Attention, les descriptions faites dans ce billet sont pure fiction. Toute ressemblance avec des faits réels ne serait que pure coïncidence. Je vous invite néanmoins à vous livrer à un petit jeu. Dans une seconde lecture, si vous en avez le temps, remplacez la Quivoirie par le nom de votre pays. Et selon que vous êtes ravi ou révolté, vous saurez si votre pays vit une émergence ou est en situation d’emergency (urgence en anglais). Ceci dit, on y va pour la Quivoirie.
Bienvenue donc dans ce pays imaginaire qu’est la Quivoirie. Ses habitants sont les citoyens quivoiriens. Le bonheur de ces derniers est assuré par leurs si merveilleuses autorités.
Oui, les dirigeants quivoiriens sont géniaux. Ils le sont tellement qu’en dépit de la croissance à deux chiffres que connaît leur pays plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Malgré cela, ils arrivent à augmenter entre 1 600 et 5 000 % les frais d’inscription dans les universités publiques, et à empêcher des personnes qui en auraient la volonté de poursuivre leurs études au-delà du Master 1. Cela, avec le risque que le universités se vident d’une part et que d’autre part, dans quelques années, ce soient des missionnaires étrangers qui viennent enseigner en Quivoirie.
Dans ce pays, l’on fait aussi de la politique, pour le bonheur des citoyens quivoiriens . Et les politiques quivoiriens les plus en vue, opposants comme gouvernants, semblent tout droit sortis des livres d’histoire. Leurs meilleurs amis sont le yomo (la teinture noire pour cheveux) ou le rasoir car ce qu’ils détestent le plus ce sont les cheveux blancs. Mais, comme l’apparence ne trompe pas, ces politiques là, pour paraître plus jeunes, s’entourent de jeunes Quivoiriens dont le niveau de vie n’a rien à avoir avec les jeunes de leur âge. Dans tous les cas, bien que certains n’ont jamais eu un emploi de leur vie, ces jeunes-là n’ont rien à envier à un vieux gouvernant qui fait plus de deux fois leur âge et qui a passé au moins les ¾ de sa vie dans les arcanes du pouvoir.
La vie politique en Quivoirie est également très passionnante. Elle est animée d’une part par le pouvoir et d’autre part par les opposants quivoiriens. Le pouvoir quivoirien, en fin stratège politique décapite son opposition. Il s’épargne ainsi de souffrir la critique et s’ouvre par là un boulevard à tous les écarts de gouvernance. Il fait patauger le pays dans le clientélisme lors des concours d’accès à la fonction publique, la gabegie, les détournements, les surfacturations, l’absence d’appel d’offres lors de l’octroi de contrats de travaux publics, les abus de pouvoir en tout genre, etc. Quant à l’opposition, elle est un véritable panier à crabes où les principales préoccupations sont :
- Comment prendre appui sur les autres pour se sortir de là ;
- Répondre avec la dernière énergie aux coups de pince de l’autre ;
- Comment se faire manger, sans bruit, par le pouvoir, pour espérer manger aussi.
En Quivoirie, il y a également le Parlement quivoirien. Il est composé en majorité des partisans du gouvernement quivoirien. Ces parlementaires sont des programmés pour voter. L’absence de débats à l’Assemblée nationale ne les inquiète pas du tout quant à la bonne santé de la démocratie dans leur pays ou au bien-fondé des lois qu’ils votent les yeux fermés.
Et que dire du front social en Quivoirie ? Il est très bouillant. Comme dans toute démocratie digne de ce nom, ce dont se réclame tout de même ce pays, il y a de fréquentes grèves si bien que le gouvernement quivoirien, connu pour son sérieux, sanctionne les fonctionnaires grévistes en ponctionnant sur leurs salaires avec le risque d’être traités de voleur. Mais il n’en a que faire puisqu’il a l’habitude d’être traité ainsi.
Mais tout de même ! Vous ne verrez jamais le citoyen quivoirien manifester ou se mettre en grève à cause de la corruption, pour réclamer de meilleures conditions de travail, ou par exemple parce que les effectifs dans les salles de classe sont si pléthoriques que la création de nouvelles et le recrutement de plus d’enseignants s’imposent. Ce qui donnerait du travail à des diplômés qui sont encore à la charge de ceux qui ont un emploi.
En même temps, le gréviste quivoirien n’a quelque part pas tort de ne pas manifester pour le recrutement de nouveaux travailleurs ou l’amélioration de ses conditions de travail. En effet, il connaît l’avidité des gouvernants quivoiriens ainsi que leur manque de vision. Il se dit donc que plutôt que de revaloriser les salaires, les autorités, sous prétexte d’augmenter des effectifs et pour pouvoir payer tout le monde, pourraient être tentées de réduire les salaires au lieu de les revaloriser. Et puis en bénéficiant de conditions optimales de travail, l’actif, le fonctionnaire quivoirien notamment, a surtout peur de perdre son si précieux pouvoir. Sa patte pourrait être privée de cette graisse qui lui permet d’arrondir ses fins de mois ou, pour les hommes, avoir un deuxième bureau (entendez par là une maîtresse).
« Quand il pleut, chacun attrape sa tête ».
Le travailleur quivoirien est ainsi comme un caïman qui vit dans l’eau. Et quand l’on sait que le caïman vit dans une eau sale, boueuse et poisseuse, on peut aisément imaginer dans quoi se complait ce travailleur. Donc, en Quivoirie, on manifeste pour réclamer une augmentation de salaire. Les hausses intempestives des loyers, du coût de l’eau et de l’électricité, l’éternel délestage et les fréquentes coupures d’eau, ou même l’augmentation du prix du pain, du sucre, de l’huile, de l’essence, du gasoil, du gaz domestique, la forte corruption, etc. laisse les citoyens quivoiriens indifférents. Ils préfèrent manifester indéfiniment pour l’augmentation d’un salaire qui sert plus à vivoter et à payer des dettes à cause de la vie chère, qu’à s’offrir une maison, ou à épargner.
Le citoyen quivoirien est si génial qu’il a fait sienne la maxime qui dit : « Quand il pleut, chacun attrape sa tête ». Il revient donc à leurs compatriotes qui sont dans le besoin de sortir manifester, quitte à essuyer des coups des matraque dernier cri des policiers quivoiriens.
En Quivoirie, il n’est pas rare de voir le citoyen quivoirien déverser ses ordures ménagères juste derrière chez lui. Quoi de plus normal puisque le maire quivoirien ne se préoccupe pas de ce genre de questions. Elles sont bien loin les promesses aux électeurs sur l’amélioration des conditions de vie. Il est plus occupé par les dessous des tables, les pots-de-vin ou à préparer son après-mandat. Pour l’hygiène il ne faut pas compter sur ce prototype d’élu quivoirien. Lui-même enjambe des écoulements d’excréments pour pouvoir accéder à son bureau et à son domicile. Tant que cela ne tue pas, ça n’émeut personne. Et même quand ça tue, mêmes des intellectuels quivoiriens osent accuser les Blancs d’en être la cause, comme si ceux-ci n’avaient pas assez de problèmes comme ça avec la crise économique et l’augmentation du chômage chez eux, pour faire ce dont se chargent déjà les gouvernants quivoiriens.
Pour revenir aux citoyens quivoiriens, vous en verrez rarement balayer derrière chez eux. On en voit plus uriner ou cracher en pleine rue, déverser leurs ordures ménagères dans l’eau de pluie, dans les caniveaux ou en pleine rue. Et ces citoyens sont par la suite de plus en plus nombreux dans les hôpitaux, pour ceux qui s’y retrouvent par erreur. Sinon, les autres préfèrent se convaincre qu’ils n’ont rien de grave quand ils ne se soignent pas au bord des routes avec les médicaments de la rue.
La jeunesse : mention spéciale
En Quivoirie, il y a une jeunesse très dynamique. Le jeune Quivoirien n’est en général très actif que par intervalle de quatre ou cinq ans, c’est-à-dire pendant les campagnes électorales. Cet événement est une véritable traite pour le jeune Quivoirien. En effet, ce dernier y milite pour plusieurs candidats à la fois. Pendant ces campagnes, il est aux anges, car il croule sous les teeshirts à l’effigie des candidats, les boîtes de sardines, les cannettes de bière, les baguettes de pain et même les billets de banque. Et tout de suite après les campagnes, les jeunes Quivoiriens se retrouvent au quartier, toute la journée, à leur place habituelle, c’est-à-dire autour des jeux de scrabble, de dame ou de Ludo. D’autres discutent pour savoir lequel des dirigeants de leur pays est le plus riche.
Le jeune Quivoirien est pareil à un volant que les assoiffés du pouvoir en Quivoirie ne se privent pas de tourner dans tous les sens. Ainsi, quand ces politiques populistes, pour avoir la sympathie des jeunes Quivoiriens afin d’accéder bien entendu au pouvoir, accusent les étrangers d’être la cause du chômage en Quivoirie, ce sont ces jeunes qui sont les premiers à pourchasser les étrangers. Et dès l’aube, ce jeune cherche vainement son petit déjeuner favori. Mais, par la suite, il se rend compte d’un fait : c’est cet étranger qu’il traquait la veille, et qui depuis, est rentré chez lui, qui préparait ce petit déjeuner-là.
En Quivoirie, il y a même les rebelles et les miliciens quivoiriens. Ils sont généralement jeunes. Ce sont des individus qui ont abandonné la daba ou le stylo pour la kalache et qui, après le conflit, réclament comme butin de guerre, soit des postes de commandant dans l’armée, soit des places au Trésor public ou à la douane. Ils ont simplement vu ou appris que c’est en étant chef ou en travaillant là où se trouve l’argent qu’on devient riche et qu’on peut aussi se construire des immeubles comme ceux des douaniers et des ministres quivoiriens.
Que dire d’autre de la Quivoirie, sinon que ses citoyens n’ont rien à envier à des personnes qui ne voient vraiment rien .
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