Le socialisme est une doctrine d’organisation sociale qui entend faire prévaloir l’intérêt, le bien général sur les intérêts particuliers. C’est officiellement la doctrine du FPI, parti politique ivoirien, qui se réclame justement de gauche. Mais la pratique du socialisme, notamment par l’une des tendances (la plus dure, la plus écoutée et la plus nombreuse) du FPI est d’une complexité déconcertante.
- Petit Rappel historique
Au temps fort de la crise ivoirienne, lorsqu’il était au pouvoir, le FPI appelait à sortir manifester pour la Côte d’Ivoire. En octobre 2000 déjà, à l’appel de Laurent Gbagbo, des personnes aux mains nus sont pourtant sorties manifester contre le régime militaire qui tentait de tripatouiller les résultats des élections présidentielles et maintenir le pays dans un régime liberticide ;
En octobre 2002, moins d’un mois après le déclenchement de la rébellion, à l’appel des leaders d’opinion pro-FPI, des foules ont arpenté les rues du pays pour manifester contre cette forme archaïque de revendication qui compromettait l’avenir du pays. Des cursus scolaires ont été perturbés, voire interrompus pour la cause de la mère-patrie qu’il fallait défendre, pire des vies ont été perdues.
Des gens arrêtaient toutes activités et campaient devant le site de la télévision ivoirienne, avec le consentement et les encouragement des socialistes, à l’époque au pouvoir, pour protéger ce bien national prétendument des assaillants ; d’autres personnes encore, des jeunes majoritairement, ont perdu la vie à Abidjan, devant l’hôtel ivoire, sur les deux ponts, lors des événements de novembre 2004, « pour notre pays la Côte d’Ivoire et l’avenir de nos enfants » comme tendaient à le leur faire croire les responsables des syndicats Estudiantins pro-FPI lorsque ceux-ci les appelaient à sortir en masse manifester contre les militaires de la force Licorne.
Ces actions parfaitement menées par le FPI méritent bien une observation.
- La mention
Très bien ! Telle est la mention que l’on peut attribuer au FPI qui, en tant que parti rattaché au socialisme, a réussi à éduquer les populations à la réalité du socialisme : Le réalisme-socialiste
- Le réalisme-socialiste
D’inspiration Marxiste, le réalisme-socialiste accorde en effet la primeur à l’intérêt, au bien général sur les intérêts particuliers, individuels ; ou encore, le réalisme-socialiste, c’est la priorité au collectif, à la communauté sur l’individu.
Faut-il encore le préciser ? C’est le sacrifice de l’individu pour la survie de la communauté, le sacrifice de sa personne pour l’intérêt général. Rappelons-nous à cet effet Abla Pokou, la Reine des Baoulé, peuple de Côte d’Ivoire. Celle-ci, selon la légende, sacrifia son fils unique pour la survie de son peuple. Quelle plus grande preuve d’amour pour son peuple et de dévotion à celui-ci que ce geste par lequel cette grande femme, par ailleurs avant-gardiste du réalisme-socialiste, se prive de son fils, l’objet de son affection !
Mais son geste, quand il n’est pas perverti, n’appartient plus qu’à la légende ; Regardons autour de nous, et en Côte d’Ivoire en particulier, des jeunes gens sont en effet envoyés à la mort pour obtenir le pouvoir ou le conserver, soit comme rebelles, soit comme jeunes patriotes. Ces seconds étaient les partisans du FPI au temps fort de la crise ivoirienne.
- Le FPI et le socialisme-réalisme aujourd’hui
Aujourd’hui en effet plus que jamais, le Front Populaire Ivoirien a l’occasion de faire preuve de socialisme, plus précisément de réalisme-socialiste comme il le faisait par le passé ; lorsqu’il était au pouvoir, il appelait au sacrifice pour le pays. Ce parti socialiste pourra pratiquer le réalisme-socialiste en mettant de côté les intérêts particuliers et individuels en son sein pour l’intérêt général, l’intérêt du pays. Mais que constate-ton ?
La lutte pour l’individu Laurent Gbagbo est devenue plus importante que la survie même du parti ; et au-delà, cette lutte individuelle prime sur le bien-être des 23 millions d’Ivoiriens pour qui le FPI, en tant que parti politique, qui plus est socialiste, prétend pourtant travailler.
Cette lutte est menée par l’aile dure du FPI. C’est la tendance non officielle, mais qui compte le plus grand nombre de militants, il faut le reconnaître. Pour cette tendance dirigée par un président intérimaire, Abou Drahamane Sangaré en attendant certainement que Laurent Gbagbo revienne pour en occuper la présidence ; pour cette tendance là donc, c’est « Gbagbo ou rien ». Visiblement, l’individu prime sur le collectif. Dès lors, où est donc le réalisme-socialiste qui est supposé faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt particulier ?
Depuis la Haye, Laurent Gbagbo même, que certains de ses partisans présentent comme le messie pour la Côte d’Ivoire, refuse pourtant le sacrifice ; il n’appelle pas à mener le combat politique (contre les injustices sociales, les écarts de gouvernance, les choix économiques hasardeux, etc.) pour le bien des Ivoiriens, au détriment de sa personne.
Entre s’opposer au pouvoir ivoirien pour le bien-être du peuple dont fait également parti Laurent Gbagbo, et combattre pour ce dernier en qui tous les Ivoiriens ne se reconnaissent pas certainement, le courant Gbagbo ou rien du FPI a fait son choix.
Les implications de la tendance Gbagbo ou rien
Ne nous leurrons pas, comme pour Alassane Ouattara du RDR et Konan Bédié du PDCI, des gens ne sont au FPI que parce qu’ils sont la même ethnie ou de la même région que Laurent Gbagbo, ou en sont de bons amis.
Lors de l’élection présidentielle de 2015, il n’a donc pas été surprenant que le FPI Gbagbo ou rien ignore complètement le FPI modéré qui présentait Pascal Affi N’guessan contre Alassane Ouattara. Affi, l’ancien premier ministre de Laurent Gbagbo, n’a pourtant pas été soutenu par ce FPI sans quoi il aurait pu, avec une facilité déconcertante, accéder au pouvoir à l’issue de cette élection. Même pire, cette tendance Gbagbo ou rien aurait fait campagne lors des dernières députations pour ses adversaires du RHDP* contre les candidats FPI tendance Affi N’guessan. Aussi surprenant que cela puisse paraître, et c’est pourtant la réalité, la bataille politique des socialistes ivoiriens est plutôt entre ces socialistes .
En pensant lutter pour la libération de Laurent Gbagbo, au détriment du combat politique national, les socialistes I voient rien ne voient pas dans un premier temps qu’ils ne font qu’alimenter le statut quo le concernant et par conséquent l’enfermer davantage. On imagine mal Alassane Ouattara qui a savamment organisé le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI (Cours Pénale Internationale) user d’une quelconque influence pour que celui-ci soit libéré. Pourtant, un président de la République du même bord politique que cet illustre prisonnier aurait bien pu faire son affaire. Mais tribalisme, émotion et ignorance aidant, le FPI Gbagbo ou rien, dans ses rêves les plus fous, n’imagine personne d’autre au pouvoir en Côte d’Ivoire sous la bannière du FPI que Laurent Gbagbo.
Nos socialistes ne voient pas dans un second temps que leur choix de l’individu favorise le maintien au pouvoir du RDR et son allié PDCI, même vomis par l’ensemble des Ivoiriens, leurs partisans y compris. Les taux de participation douteux, pour ne pas dire faibles, aux récents scrutins par rapport à la présidentielle de 2010 en sont la preuve.
Enfin bref, les socialistes I voient rien, malheureusement les plus nombreux et les plus écoutés, ne voient vraiment pas que leur politique de l’individu pour le peuple fait évidemment l’affaire du régime qui se maintient paisiblement au pouvoir malgré tous ses égarements : endettement démesurées, détournements, clientélisme, gabegie, absence de débats politiques, attribution de marchés gré à gré, inflation galopante, culture du deux poids deux mesures entre agents de l’État et anciens rebelles insérés dans l’armée, etc.
Le premier à partir de ce socialisme est cet illustre socialiste que se réclamait Laurent Gbagbo, il demeure inexorablement en prison.
PDCI : Parti Démocratique de Côte d’Ivoire
RDR : Rassemblement Des Républicains
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